Pékin menace de s’en prendre au vin européen en réponse aux taxes douanières européennes sur les importations de panneaux solaires chinois. Mais la Chine est-elle vraiment prête à déclarer un guerre commerciale à l’Europe ? Certains en doutent.
L’ex-empire du Milieu contre-attaque. Quelques heures après la décision européenne d’instaurer des droits de douanes sur les importations de panneaux solaires chinois, Pékin a déclaré, dans la nuit du mardi 4 au mercredi 5 juin, réfléchir à faire de même sur les vins européens.
En clair, si la Chine décide que le vin européen est vendu à un prix artificiellement bas pour se faire une place sur son marché au détriment des concurrents locaux, elle pourra alors imposer des surtaxes à l’importation.
Le choix du vin ne doit rien au hasard. Les exportations françaises - qui se sont élevées à 788 millions de dollars en 2012 - représentent près de 80 % de toutes les bouteilles européennes vendues en Chine. Paris ne s’y est d’ailleurs pas trompé et a condamné, mercredi, la menace “déplacée” des autorités chinoises. “Pékin vise assez clairement le poids lourd européen, la France, qui a été le plus en faveur des taxes sur l’importation des panneaux solaires chinois”, souligne Jean-François Dufour, économiste et responsable du cabinet d'études DCA Chine Analyse, contacté par FRANCE 24.
L’Allemagne épargnée
La France est en fait dans le collimateur chinois depuis le début de l’affaire des panneaux solaires chinois. “Les autorités chinoises ont d’abord évoqué des sanctions contre les tubes d’acier sans soudure, secteur dans lequel le groupe français Vallourec est important, puis des produits chimiques dérivés du chlore qui sont exportés, notamment, par Solvay, une société belge très implantée en France”, remarque Jean-François Dufour.
Pour lui, les viticulteurs français peuvent légitimement craindre une éventuelle sanction chinoise. “La Chine est le principal moteur de croissance pour ce secteur et des surtaxes sur le vins européens feraient le jeu de leurs concurrents du ‘nouveau monde’ alors que la bataille pour les parts de marché est très féroce actuellement”, juge Jean-François Dufour.
Pénaliser les exportations de vin européen ne devrait, en outre, “pas faire beaucoup de mal à l’Allemagne qui joue le rôle de l’allié de la Chine dans cette histoire”, note l'économiste. Berlin s’oppose, en effet, depuis le début à l’idée d’instaurer des droits de douanes sur les panneaux solaires chinois. Le gouvernement allemand a d’ailleurs encore qualifié, mercredi, de “grave erreur” la décision européenne.
Pékin bombe surtout le torse
Si le vin est donc la cible idéale de l’ire chinoise, certains doutent que la sanction se concrétise. “Pékin n’a pas intérêt à mettre sa menace à exécution et entrer ainsi dans une logique de guerre commerciale plus globale”, note Jean-François Dufour. Un conflit économique où la Chine a beaucoup à perdre car l’Union européenne représente le premier marché d’exportation pour ses produits.
En outre, plusieurs grands groupes chinois ont des intérêts financiers dans le vin "Made in France". Cofco, le numéro un chinois de l’agroalimentaire a, par exemple, racheté en 2011 le domaine Château de Viaud, un vin de Bordeaux. Ces sociétés chinoises risquent de voir d’un mauvais œil que Pékin malmène ainsi leurs investissements.
Et puis, les États-Unis appliquent aussi, depuis 2012, des taxes douanières de 100 % sur les panneaux solaires chinois “sans que cela n’ait provoqué de guerre commerciale avec la Chine”, rappelle Jean-François Dufour.
Pour lui, Pékin bombe avant tout le torse pour les négociations commerciales futures. “La Chine a démontré à l’occasion de l’affaire des panneaux solaires qu’elle pouvait créer une discorde au sein de l’Europe en jouant la carte de l’Allemagne contre la France et qu’elle savait où frapper pour faire commercialement mal”, résume Jean-François Dufour.
Il pense que Pékin va accepter les surtaxes sur le photovoltaïque à 15% en précisant que c’est sa limite. Pas question, donc, pour la Chine d’accepter que l’Europe pousse sa taxe jusqu’à 45 % ou d’envisager de nouveaux droits de douanes sur d’autres biens produits en Chine. Le 15 mai, Bruxelles a en effet évoqué le cas des composants télécoms construits par les Chinois Huaweï et ZTE.