Bradley Manning, le soldat américain accusé d’avoir transmis des milliers de documents classifiés au site WikiLeaks, comparaît à partir de lundi devant une cour martiale pour un procès que ses partisans qualifient d'historique.
"Le procès du siècle est sur le point de commencer". C’est ainsi que le Réseau de soutien de Bradley Manning présente l’ouverture du procès, lundi, de ce soldat américain de 25 ans accusé d’avoir transmis des milliers de documents secrets de l’armée américaine au site fondé par Julian Assange.
La cour martiale de la base militaire de Fort Meade, près de Washington, aura environ trois mois pour déterminer si l’ancien analyste de renseignement est un "traitre" qui a transmis indirectement des informations classifiées à Al-Qaïda ou un patriote qui a permis de rendre publiques des bavures de l’armée américaine.
Le simple soldat, au corps frêle et au visage d'adolescent, encourt la réclusion criminelle à perpétuité au terme de ce procès devant la juge militaire Denise Lind.
Il est accusé de "collusion avec l'ennemi", en l'occurrence l'organisation terroriste Al-Qaïda, pour avoir livré au site internet WikiLeaks des milliers de documents militaires américains sur les guerres en Irak et en Afghanistan, ainsi que plus de 250 000 dépêches du département d'État.
Le gouvernement américain affirme que le soldat Manning a mis "sciemment" les États-Unis en danger en communiquant ces documents secrets, auxquels il avait accès dans le cadre de ses fonctions d'analyste du renseignement en Irak de novembre 2009 à son arrestation en mai 2010.
Une allégation que le gouvernement devra prouver au procès, a ordonné la juge lors d'une audience de préparation du procès.
Le jeune homme de 25 ans a "endossé l'entière responsabilité de ses actions" mais a catégoriquement nié avoir voulu "nuire" aux États-Unis. "Je croyais que la publication (des documents) pourrait provoquer un débat public sur nos forces armées et notre politique étrangère en général", a-t-il plaidé devant la juge, lors d'une de ses deux interventions en présence des médias.
Il plaidera coupable de dix chefs d'accusation mais se considère innocent des accusations de "collusion avec l'ennemi" ou "publication sur Internet de renseignements militaires en sachant qu'ils seront accessibles à l'ennemi", les plus lourdes des 22 charges.
Conditions "cruelles" d'incarcération
Il a ainsi reconnu "la transmission intentionnelle" d'une vidéo montrant la bavure d'un hélicoptère de combat tirant sur des civils en Irak en juillet 2007, ou encore de mémorandums relatifs à la guerre en Irak, en Afghanistan et aux détenus de Guantanamo.
Avec ce plaider-coupable partiel, la peine maximale encourue passe de 162 à 154 ans.
Le procès en cour martiale, prévu pour durer jusqu'au 23 août, devrait attirer chaque jour un rassemblement de soutien devant la base militaire de Fort Meade. Ce réseau de soutien proteste contre le "rythme d'escargot" auquel le soldat est jugé, selon l'expression de l'avocat de Manning, David Coombs. Il dénonce en outre la chape de plomb qui entoure les débats et leur couverture médiatique.
La juge Lind a d'ores et déjà annoncé que 24 témoins, parmi lesquels plusieurs ambassadeurs, responsables du Pentagone et du renseignement, s'exprimeraient à huis clos. Elle a prévenu qu'elle interdirait que les plaidoiries s'orientent vers un débat général sur la politique étrangère américaine.
Le témoignage, réclamé par l'accusation, d'un membre du commando qui a participé au raid contre le bunker d'Oussama ben Laden au Pakistan, sera aussi à huis clos. Ce soldat devrait s'exprimer "partiellement déguisé" et dans un "endroit sécurisé" sur les documents diffusés par WikiLeaks et retrouvés dans la cache de Ben Laden, attestant que les informations dévoilées par Manning étaient bien arrivées entre les mains d'Al-Qaïda.
Icône de la paix, selon ses partisans, Bradley Manning, qui s'était dit victime de quolibets à l'armée en tant qu'homosexuel, a été confiné à l'isolement pendant près de neuf mois à la prison militaire de Quantico, dans des conditions que le rapporteur de l'ONU sur la torture avait qualifiées de "cruelles, inhumaines et dégradantes".
La juge militaire lui a accordé près de quatre mois de remise de peine en raison de ces conditions d'incarcération "plus rigoureuses que nécessaire".
(Avec dépêches)