Après l’obtention par la Syrie de missiles sol-air pouvant couvrir une distance de 300 kilomètres, Israël, désormais à portée de tirs, s’inquiète de voir le mouvement chiite libanais Hezbollah s’emparer de cette technologie.
Désormais dotée de puissants missiles sol-air russes de type S-300, la Syrie a accru, jeudi 30 mai, la tension au Proche-Orient. Ultra-modernes, ces armes sont capables de détruire en vol des avions ou des missiles guidés jusqu’à 300 kilomètres. Une distance suffisante, depuis la Syrie, pour atteindre Israël, pays frontalier ennemi de Damas. Lors d’une interview télévisée rapportée jeudi par le journal libanais Al Akhbar, Bachar al-Assad a explicitement menacé l’État hébreu d’attaquer les hauteurs du Golan, pomme de discorde entre les deux pays où les forces de Tsahal sont présentes depuis 1967.
Bien que les Israéliens affichent une attitude en apparence sereine, estimant qu’une "escalade" militaire n’est pas à l’ordre du jour, ils gardent néanmoins un œil méfiant sur leur voisin. En effet, outre les forces d’Assad, c’est la menace de voir ces missiles de pointe, que eux ne possèdent pas, tomber entre les mains du mouvement chiite libanais, Hezbollah, qui inquiète particulièrement l’État hébreu.
Jeudi, le ministre israélien de l'Eau et de l'Énergie Sylvan Shalom a évoqué cette hypothèse : "Dans le cas [où les armes seraient susceptibles de tomber dans d'autres mains et d'être utilisées contre Israël, NDLR], nous devrions agir". Un scénario jugé peu probable par Frédéric Encel, professeur de relations internationales à l'ESG Management School et maître de conférences à Sciences-Po Paris. Pour lui, le Hezbollah n'est pas prêt de se procurer ces missiles de longue portée. Entretien.
FRANCE 24 : Une intervention israélienne est-elle envisageable suite à cette récente livraison ?
Frédéric Encel : Je n’y crois absolument pas. Malgré ses menaces proférées à tort et à travers, Assad paraît peu dangereux pour Israël. Les roquettes lancées sur le plateau du Golan atterrissent systématiquement sur des terrains vagues. Il ne veut pas vraiment attaquer mais simplement faire passer le message qu’il a la capacité de mettre le feu à la région. Et la présence des missiles russes ne change rien: Israël n’est pas la cible, Assad est bien trop occupé à défendre son régime. Il veut simplement montrer sa puissance pour tenir à distance les forces occidentales.
F24 : Les missiles S-300 ont-ils principalement un rôle de dissuasion ?
F. E : Oui, ces nouvelles armes représentent une force dissuasive indéniable. Ce sont les meilleurs missiles sol-air au monde. Le jour où le dispositif sera totalement au point - d’ici quelques semaines - tout chasseur-bombardier étranger s'aventurant dans l’espace syrien sera en très grand danger. Nous sommes toujours dans une impasse : les Occidentaux ne veulent pas se placer dans une position d’affrontement avec la Russie, et les Russes, eux, continuent d’afficher un soutien sans faille à Damas
F24 : Le Hezbollah peut-il avoir accès à ces armes ?
F. E : Cela me paraît peu probable. Il y a peu de risque que le régime syrien en donne au Hezbollah. Mais si toutefois le mouvement parvenait à se les procurer, il est fort probable qu’il ne puisse pas s’en servir. La maîtrise du matériel requiert une formation très spécifique. Pour preuve : des techniciens russes sont d’ailleurs actuellement en train de forme des militaires syriens.