, correspondante de FRANCE 24 à Kaboul – La communauté internationale s'insurge de la possible adoption d'une nouvelle loi sur la famille risquant de porter atteinte aux droits des femmes chiites en Afghanistan. Elle soupçonne le président Karzaï d'opportunisme électoral.
Les Nations unies s’inquiètent d’une régression du droit des femmes de la minorité chiite en Afghanistan, à la suite de la signature d’une nouvelle loi sur la famille par le président afghan, Hamid Karzaï.
L’Onu estime qu'elle légalise le viol de la femme par son mari et accepte tacitement le mariage des enfants. Le texte devrait être rendu public d'ici un mois.
Les chiites afghans sont, pour la plupart, d’origine hazâra - descendants de Gengis Khan, le conquérant de l’Afghanistan au XIIIe siècle - et représentent le troisième groupe ethnique du pays, soit environ 10 % de la population.
La Constitution afghane les autorise à appliquer une loi familiale différente de celle appliquée au reste de la population, basée sur la jurisprudence chiite.
"J'ai vu la première version discutée au Parlement et elle ne respecte ni les droits constitutionnels des femmes, ni les droits des enfants, s’insurge Zia Moballegh, de l'ONG Droits et démocratie. Les femmes doivent demander le consentement de leur mari pour quitter le domicile conjugal.
Elles n’ont pas le droit de refuser l’acte sexuel avec leurs maris, sauf si elles sont malades. Et le père ou le grand-père décide du mariage de la fille, même si elle est mineure."
"Un choix clairement politique"
Cette loi est d’autant plus alarmante que la condition des femmes en Afghanistan est loin de s'améliorer : les mariages forcés restent majoritaires dans le pays et ceux des petites filles - notamment dans les campagnes - restent ancrés dans la tradition.
Mais la Constitution stipule également que les femmes afghanes doivent avoir les mêmes droits que les hommes. Comment, dès lors, expliquer la volonté du président Karzaï d’approuver cette loi ?
"C’est un choix clairement politique, répond un diplomate occidental. Il ne peut pas se permettre de perdre le soutien des partis politiques hazâras et des religieux chiites à l’approche de l’élection présidentielle du 20 août."
Hamid Karzaï a annoncé récemment qu’il comptait être candidat à un second mandat, mais sa cote de popularité en chute libre rend sa victoire plus qu’incertaine.
Karzaï peut-il faire marche arrière ?
La controverse autour de la loi chiite sur la famille a été révélée par le journal britannique The Guardian, le jour de la conférence de La Haye sur l’Afghanistan. Elle a provoqué un tollé parmi les pays occidentaux réunis pour l’occasion.
Hillary Clinton, la secrétaire d'État américaine, aurait d’ailleurs interpellé Hamid Karzaï sur cette question. À Kaboul, les Nations unies suivent aussi de très près cette affaire.
Nous nous sentons " très concernés, affirme Neelab Mobarez, l’une des porte-paroles de l'organisation en Afghanistan. Nous attendons de voir la copie de la loi officielle signée... "
Sous la pression de la communauté internationale, il est possible que Hamid Karzaï fasse marche arrière et que les articles litigieux de la loi soient retirés avant sa publication au journal officiel afghan.