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La cyber-gueule de bois menace les viticulteurs français

Plusieurs députés français veulent empêcher que des sociétés sans lien avec le vin mettent la main sur des extensions internet potentiellement juteuses comme .vin et .wine. Mais il est peut-être déjà trop tard pour le vignoble français.

Une cyber-apocalypse s’apprête-t-elle à s’abattre sur le vignoble français ? Plusieurs députés français, qui appartiennent tous à l’UMP, ne sont pas loin de le croire. Ils dénoncent le risque que fait peser l’apparition de nouvelles extensions sur Internet sur ce pan du patrimoine hexagonale.

En cause, les nouveaux noms de domaine .vin et .wine qui doivent être attribués à partir de juillet 2013 par l’Icann (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), l’entité américaine qui gère le très sensible dossier des extensions internet. Deux députés ont, dans des questions écrites au gouvernement mardi 21 mai, mis en garde contre l’éventuelle exploitation commerciale de ces extensions à fort potentiel par leurs futurs acquéreurs.

“On peut craindre qu'une adresse comme "beaujolais.vin" ou "bordeaux.vin" soit vendue à une personne qui n'a aucun lien avec les vins de ces régions”, écrit ainsi le député UMP du Rhône Bernard Perrut. À l’instar de son collègue de la Marne, Philippe Armand Martin, il juge que ces nouvelles extensions sont la porte ouverte à la vente en ligne de contrefaçons de ces crus mondialement connus ou de la création de sites “détournant la notoriété” de ces appellations.

Tous deux demandent à Fleur Pellerin, la ministre française déléguée à l’économie numérique, de prendre des mesures afin de “protéger les indications géographiques” telles que Beaujolais ou Bordeaux. Elle n’a pour l’instant pas encore répondu à ces interpellations.

La messe est-elle dite ?

Le risque est pourtant bien réel. L’extension .vin est convoitée par la société américaine Donuts qui verse très largement dans le commerce de noms de domaine. Elle a ainsi déposé des dossiers pour gérer également le .health, le .hotel ou encore le .sarl. Rien à voir donc avec le vin. Cependant, dans une lettre d'explication, publiée en février 2013, Donuts souligne que le terme "vin" n'englobe pas uniquement tout ce qui a trait au rouge, rosé et blanc. "En Anglais, il fait aussi référence aux trois lettres d'identification des voitures (Vehicle Indentification Number) et le site www.vin.com appartient au Veterinary information network (réseau d'information des vétérinaires)", affirme les responsables de la société Donuts.

Selon Patrick Hauss, directeur commercial France de la société Netnames qui s’occupe de la protection des marques sur Internet, contacté par FRANCE 24, “Ce sont des sociétés qui vont revendre à 10 ou 20 dollars des adresses en .vin ou .wine avec pour seul objectif d’en écouler le plus possible”.

Pour cet expert, “les députés ont complètement raison de s’inquiéter, mais ils s’y prennent un peu tard”. La messe est en effet quasiment dite à l’Icann : la période pendant laquelle des tiers pouvaient émettre des objections contre tel ou tel dossier pour une extension est dépassée.

Il existe certes des procédures de protection dans certains cas spécifiques, mais Patrick Hauss craint qu’elles ne jouent pas en faveur des viticulteurs français. “L’Icann donne un droit de priorité aux détenteurs de marques ce qui permet à Renault, par exemple, d’être assuré de pouvoir être le propriétaire de renault.auto”, explique-t-il. Seul problème : les AOC (Appellation d'origine contrôlée) - comme Champagne ou Beaujolais - ne rentrent pas dans la définition des marques de l’Icann.

“La situation est donc grave pour les vignobles français, mais pas désespérée si le gouvernement français se décide à faire valoir ce dossier auprès de l’Icann”, estime Patrick Hauss. Mais, pour ce faire les autorités françaises doivent se décider rapidement. Après l’été, le .vin ou le .wine risque d’être coupé à l’eau commerciale du plus offrant.