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L'armée syrienne entre dans la ville stratégique de Qousseir

Après plus d'un an de résistance aux assauts de l’armée régulière, la ville de Qousseir, bastion des rebelles au centre de la Syrie, est en passe de tomber aux mains des troupes régulières. Une victoire stratégique pour le régime de Damas.

Deux jours après que le président Bachar-al-Assad a martelé sa détermination à rester au pouvoir, l'armée syrienne a affirmé dimanche 19 mai être entrée dans le cœur de Qousseir, longtemps place forte des rebelles, dans le centre de la Syrie. Appuyées par le Hezbollah, les troupes régulières ont pris le contrôle de la place principale de cette ville proche de la frontière libanaise, située dans la province de Homs, ainsi que des immeubles environnants et de la mairie, selon une source militaire citée par l’AFP.

La télévision d'État a diffusé une interview d'un soldat sur place affirmant que les insurgés se sont enfuis face aux frappes de l'armée vers le quartier nord. "Nous continuons d'avancer [dans cette direction] pour mettre fin à toute manifestation armée", a expliqué le soldat. Il a également assuré que l'armée avait "laissé le front nord-ouest pour permettre aux habitants de sortir", ce que démentent les militants anti-régime sur place, qui ont dénoncé le "siège étouffant imposé par le régime syrien et le Hezbollah libanais".

Des bombardements incessants

Les bombardements incessants auraient fait 52 morts, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). La France s'est elle-même dite "extrêmement préoccupée" par la situation à Qousseir, craignant "un nouveau massacre de la population civile".

La ville de 25 000 habitants résiste depuis plus d’un an aux bombardements incessants et aux assauts de l’armée qui a bénéficié de l’aide du Hezbollah et des miliciens pro-régime pour cette offensive. Selon Selim El-Meddeb, le correspondant de FRANCE 24 à Beyrouth, le mouvement chiite libanais, qui ne fait pas mystère de son intervention en territoire syrien depuis deux mois, "a clairement joué un rôle majeur lors de l’assaut". Selon l'OSDH, 23 combattants du mouvement chiite libanais ont été tués lors des affrontements à Qousseir.

Fin avril, Hassan Nasrallah, le chef du Parti de Dieu, avait reconnu à demi-mot que des membres de son mouvement se battaient aux côtés du régime syrien dans cette région frontalière du Liban. "Nous ne laisserons pas les chiites libanais qui vivent autour de Qousseir sans défense", avait-il affirmé dans un discours télévisé diffusé sur Al Manar, la chaîne du Hezbollah.

Axe stratégique entre Damas et le littoral

Un soutien qui en dit long sur l’importance de cette bataille. Il y a plus de six mois déjà, le président Assad avait affirmé que la reprise de Qousseir était cruciale pour le régime. Selon Fabrice Balanche, spécialiste de la Syrie et directeur du Gremmo, le régime, "qui a besoin de victoires pour sa propagande", veut assurer sa survie en menant une "stratégie de contre-insurrection […] quitte à se désengager temporairement de certaines régions comme le nord ou le sud". L’axe stratégique n’est plus la route Damas-Alep, reliant les deux grandes métropoles du pays, mais bien la voie reliant la capitale Damas au pays alaouite, la minorité dont est issu Assad, sur le littoral.

"En premier lieu, il faut bien nourrir Damas", explique Fabrice Balanche qui rappelle que le pouvoir syrien tient encore bien le cœur de la capitale, où la bourgeoisie sunnite lui est favorable. "Or, c’est par la mer qu’une bonne partie du ravitaillement arrive à Damas, que ce soit en nourriture, marchandises mais aussi en armes". Sécuriser la route est donc primordial. De plus, pour aller de Tartous ou Lattakié, les deux grandes villes de la côte syrienne, à Damas il faut inévitablement passer par Homs. "C’est là qu’est la difficulté", observe le chercheur, car Homs et ses alentours constituaient jusqu’à présent une importante poche de résistance dans une zone plutôt favorable au régime. "Les autorités syriennes étaient obligées de déployer des troupes importantes sur les routes environnant Homs et Qousseir notamment pour sécuriser les convois", explique Fabrice Balanche.

"Protection de Qousseir"

L'assaut contre Qousseir est intervenu au lendemain d'un rare entretien accordé par Bachar al-Assad à des médias argentins, dans lequel il a martelé son refus de quitter le pouvoir avant la présidentielle de 2014. "Sur la question de savoir qui doit partir et qui doit rester [...], c'est le peuple syrien qui le déterminera lors de l'élection présidentielle de 2014", a-t-il insisté. Il s'est en outre dit sceptique quant à la conférence internationale prévoyant un dialogue opposition-régime, voulue par Moscou et Washington pour trouver une solution au conflit qui a fait, selon l'OSDH, plus de 94 000 morts depuis mars 2011.

La Coalition nationale de l'opposition, qui doit décider le 23 mai de sa participation à la conférence, a appelé à une réunion "urgente" de la Ligue arabe afin de discuter de la "protection de Qousseir", tout en regrettant le silence de la communauté internationale sur l'assaut de la ville.