Le 11 mai, les Pakistanais sont appelés à élire un nouveau Premier ministre. Un candidat pourrait bien créer la surprise : Imran Khan. Cette ancienne star du cricket reconvertie en politique a pris la tête d'une troisième force politique en pleine ascension. Le trublion pourrait bien changer la donne dans un pays miné par les attentats et la pauvreté. Nos reporters l'ont suivi dans sa campagne électorale.
Imran Khan est une icône nationale. De plus en plus populaire, il est devenu la coqueluche des médias pakistanais et internationaux. Sa campagne électorale est l’une des plus couvertes : ses meetings passent en direct, intégralement et en boucle, sur les chaînes de télévision pakistanaise. Tout le monde s’arrache cet ancien jet-setteur qui compte Mick Jagger parmi ses amis.
L’ancienne star du cricket qui a pris la tête du PTI, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (Mouvement pour la justice), tance aujourd’hui les partis traditionnels, le PPP du clan Bhutto et la Ligue musulmane des frères Sharif. Car Imran Khan est parti en guerre contre les dynasties politiques, la corruption et l’influence américaine au Pakistan.
Mais qui est derrière l'enfant chéri du Pakistan : des hommes d’affaires ? Des islamistes ? L’armée ? Ou tout simplement un peuple déçu par ses dirigeants...? Un peu de tout cela en fait.
L’hiver dernier, le candidat aux législatives du 11 mai s’est illustré pour la première fois en organisant une immense manifestation contre les drones américains. Une caravane de plusieurs milliers de voitures vers le Waziristan, ces zones tribales frontalières avec l’Afghanistan régulièrement bombardées par la CIA. Son credo : même si les hommes qui sont tués par les Américains sont des Taliban, ils ne doivent pas être assassinés arbitrairement, en dehors de toute procédure légale. Imran Khan est le premier homme politique pakistanais à tenir un tel discours sur l’usage des drones, ces avions sans pilote.
Apparaître comme un musulman pieux et pratiquant
L’ancien capitaine de la dernière sélection nationale de cricket à avoir remporté le championnat mondial, en 1992, est devenu un phénomène. Mais s’il fait salle comble à chaque meeting, Imran Khan le doit plus à sa carrière de sportif qu’à son programme politique.
Cette image de légende du cricket et de playboy mondain ami des stars qui lui colle à la peau, Imran Khan veut s’en débarrasser à tout prix. Impossible de lui poser des questions sur sa vie d’avant. Désormais, l'homme séduisant et bien rasé veut apparaître comme un musulman pieux et pratiquant, et surtout montrer sa nouvelle manière de faire de la politique.
Son discours séduit la classe moyenne émergente et les jeunes en quête "d'espoir". Cette jeunesse qui a grandi avec la dictature militaire du général Musharraf, de la fin des années 1990 à 2008 et qui a vu son pays se dégrader économiquement et être réduit au rang de nation terroriste depuis le 11 septembre 2001. Aujourd’hui, après avoir goûté à cinq années de démocratie, les jeunes Pakistanais, et en particulier ceux de la classe moyenne urbaine, ont la gueule de bois, celle des espoirs déçus.
Le Pakistan fait partie des pays les plus corrompus au monde, le président est soupçonné de cacher des dizaines de milliers d’euros dans un compte en Suisse, et le terrorisme fait des morts chaque jour dans tout le pays. Imran Khan est, pour eux, l’atout maître, le sauveur, un justicier du changement. Mais avec un programme plein de belles promesses et aux relents démagogiques, le trublion de la classe politique pakistanaise, s’il est élu, n’aura pas le droit de décevoir. Son prochain défi sera alors de gouverner un pays dirigé de fait par les grandes dynasties familiales, les mollah, et surtout la toute puissante armée pakistanaise.