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Quand la presse allemande raille les critiques du PS français contre Merkel

Les critiques d’"égoïsme" et d’"intransigeance" formulées vendredi contre la chancelière allemande par le Parti socialiste français, n’ont pas manqué de faire réagir journalistes et élus allemands. Tour d’horizon des réactions Outre-Rhin.

Le texte de travail du Parti socialiste (PS), très critique vis-à-vis de la politique d’Angela Merkel, n’est pas passé inaperçu Outre-Rhin. De fait, "la charge des socialistes français a fait, lundi 29 avril, la une de nombreux quotidiens allemands et fait réagir hommes et femmes politiques de tous bords", a indiqué à FRANCE 24 Klaus Peter Sick, historien au centre Marc Bloch de Berlin. "Les Allemands qui s’intéressent à l’actualité n’ont pas pu passer à travers la polémique franco-germanique de ce week-end", a surenchéri le spécialiste de l’Allemagne, installé à Berlin.

Des attaques contreproductives "qui aideront Merkel"

Avec plus ou moins d'humour, les journaux allemands sont revenus lundi sur les attaques

venues de Paris. "Le parti socialiste au pouvoir en France a fait une découverte formidable: l'Allemagne est coupable de tout", a ironisé, lundi, le quotidien économique Handelsblatt.

Pas plus d’indulgence du côté de la presse de gauche. Le quotidien Berliner Zeitung se montre cinglant. "Les socialistes promettaient il y a quelques temps de montrer la voie à l'Europe. Cela sonne, un an après la conquête de l'Élysée, comme une plaisanterie", commente le journal berlinois. Si l'Allemagne "concentre les ressentiments de ses partenaires sur elle [c'est parce qu'elle] tient seule les rênes", avance-t-on dans l’article, paru ce lundi

Pour le grand quotidien de centre-gauche, Süddeutsche Zeitung, les attaques contre la chancelière s'expliquent par la perspective des législatives allemandes dans cinq mois. Rien d’étonnant à voir, alors, se multiplier les attaques à l'"emporte-pièce", contre une chancelière "sans cœur", "refusant l'argent" à des "États en crise qui n'auraient besoin que d'un bon plan de relance pour sortir de l'ornière". Des attaques contreproductives qui "aideront Merkel [car] les Allemands sont dans leur grande majorité sceptiques face aux plans d'aide et plébiscitent la politique de la chancelière", poursuit le quotidien bavarois.

Les élus allemands montent au créneau

Taxée vendredi d’égoïste par le PS, Angela Merkel a bien tenté de minimiser les tensions en rappelant combien "la relation franco-allemande est essentielle". Mais les membres de son parti (CDU) n’ont pas eu autant d’égard. "Les attaques infondées de responsables socialistes français de haut rang contre la chancelière sont inhabituelles et inappropriées pour la relation franco-allemande", a affirmé Andreas Schockenhoff, le vice-président du groupe parlementaire CDU/CSU, connu pour son franc-parler. "Le gouvernement de gauche [français] ne peut détourner l'attention du fait que la France a besoin de réformes structurelles profondes", a ajouté le président du groupe d'amitié franco-allemande au Bundestag.

Le président du Parlement européen, Martin Schulz, pourtant étiqueté à gauche, a lui aussi vivement condamné les critiques du PS. "[…] je ne suis pas militant d'Angela Merkel, mais on ne peut pas la rendre responsable de tous les inconvénients" en Europe, a-t-il déploré.

La gauche allemande a défendu, malgré tout, le droit d’attaquer la politique de la chancelière. "Les critiques des socialistes français contre la politique rigide d'économie ordonnée par Berlin sont représentatives de la position d'autres partenaires et partis européens et sont dans l'ensemble légitimes et justifiées", a jugé Rolf Mützenich, le porte-parole du groupe social-démocrate au parlement allemand.

Le président du groupe des Verts, Volker Beck, a estimé, pour sa part, que "nos amis français [ont] le droit de contredire Merkel". "Ce n'est pas un crime de lèse-majesté", a-t-il expliqué. "Une politique de rigueur à la Merkel, qui ne fait pas attention aux conséquences économiques, [...] ne conduit pas à la consolidation budgétaire", a-t-il surenchéri.

Une "crise politique" plus grave

"Non seulement, les attaques du PS sont contreproductives car elles renforcent la côte d’Angela Merkel, déjà en tête dans les sondages, mais elles affaiblissent l’Europe", commente Klaus Peter Sick, l’historien spécialiste de l’Allemagne. "Beaucoup d’Allemands sont persuadés que la force de l’Europe repose sur le lien franco-germanique. Et quand ce lien est affaibli, c’est toute l’Europe qui en pâtit", assure l’historien berlinois

Certains observateurs voient enfin, dans les critiques portées contre l’Allemagne, le signe d’une crise politique nationale. "Lorsque la gauche et même la droite française ont systématiquement recours à la comparaison avec un modèle politique étranger pour l’accuser de tous les maux ou pour le porter aux nues, c’est le signe même d’une crise politique nationale grave qui traduit une impasse, conclut Klaus Peter Sick."