La ministre française des Droits des femmes a annoncé que deux entreprises avaient été condamnées à une amende pour avoir enfreint l'obligation de verser aux femmes un salaire égal à celui des hommes pour un travail équivalent.
Les deux premières sanctions sont tombées opportunément pour la Journée internationale pour l’égalité des salaires. La ministre française des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, a annoncé, ce jeudi 25 avril dans "Le Parisien", que deux entreprises allaient écoper d’une amende pour avoir enfreint l’obligation inscrite dans la loi de 2010 de verser aux femmes un salaire égal à celui des hommes pour un travail équivalent.
Sans les nommer, elle a précisé qu’il s’agissait d’une société privée basée en Aquitaine et d’une autre, publique, située en Île-de-France. Elles devront verser respectivement 8 500 et 5 000 euros par mois tant que l’égalité salariale ne sera pas établie. Les écarts de rémunération entre hommes et femmes dans ces deux structures peuvent aller jusqu’à 500 euros pour des postes équivalents, a précisé la ministre.
“C’est une décision importante qui peut avoir un effet dissuasif tout en rappelant qu’il existe un cadre législatif qui vise à lutter contre ces inégalités salariales”, souligne Nina Schmidt, responsable pour l’Île-de-France de l’Observatoire des inégalités, contactée par FRANCE 24. Depuis le vote de la loi en 2010, aucune sanction n’a, en effet, été prononcée. En outre, deux entreprises françaises sur trois ignorent leurs obligations en matière d’égalité salariale. Si le principe d'amende est inscrit dans le texte de 2010, le principe, lui, d'une égalité salariale entre hommes et femmes remonte à bien plus loin et date de la loi Roudy de 1983.
“Je ne m’explique pas pourquoi il a fallu aussi longtemps pour sévir contre les entreprises qui ne respectent pas cette égalité”, regrette Nina Schmidt. D’autant que les données officielles montrent que la situation ne s’est plus améliorée sur le front salarial en France depuis 1994. “Les femmes gagnent en moyenne 20 % de moins que les hommes”, souligne-t-elle. Soit une différence, en 2010 (date des dernières données disponibles), de 446 euros net.
France, Europe, même combat ?
Pour punir les deux entreprises rétives à l'égalité salariales, le gouvernement français s'appuie sur un loi votée sous l'ère Sarkozy.
Il s'agit de la loi du 2 novembre 2010 qui oblige les structures publiques et privées de plus de 50 salariés à se doter d'un plan ou d'un accord d'entreprise pour éviter les différences de salaires et de promotions entre hommes et femmes.
Les structures qui ne respectent pas cette obligation peuvent se voir infliger une amende allant jusqu'à 1% de leur masse salariale.
Le texte n'avait pas déclenché d'avalanche de sanction. Seule deux mises en demeure avaient été envoyé par le gouvernement de François Fillon rappelle le quotidien Les Échos.
Des disparités qui sont, en partie, dues à un plus grand recours au temps partiel chez les femmes et au fait qu’elles ont moins accès à des postes à responsabilités ou aux secteurs les plus rémunérateurs comme la finance. “L’inégalité salariale ‘inexpliquée’, c’est-à-dire les cas de discrimination pure où une femme gagne moins qu’un homme pour un même travail, s’élève à 9 % en France”, tempère Nina Schmidt.
Mais si le fait de frapper les entreprises au portefeuille est un geste fort, il ne s’attaque pas aux sources de cette inégalité persistante, d’après Nina Schmidt. “Ce qu’il faut faire maintenant, c’est favoriser l’accès des femmes à des formations encore très dominées par les hommes comme les écoles d’ingénieurs ou la finance”, assure-t-elle. Il faut en outre davantage impliquer les hommes dans les tâches domestiques car, “si la France a ouvert le marché du travail aux femmes, c’est seulement à un certain marché du travail qui est adapté à ce que l’on considère être leurs tâches ménagères traditionnelles”, note Nina Schmidt. Une approche purement répressive, craint-elle, pourrait même inciter les entreprises à hésiter avant d’embaucher des femmes.
La France n’est pas, loin s’en faut, le seul pays européen à avoir encore du chemin à faire pour établir une vraie égalité salariale. Au niveau européen, les femmes gagnent, en moyenne, 16,2 % de moins que leurs homologues masculins. L’Hexagone serait donc, avec ses 20 % de différence, parmi les plus mauvais élèves.
Mais les comparaisons peuvent rapidement induire en erreur. “D’abord parce que tous les pays n’utilisent pas les mêmes outils statistiques, et puis parce qu’il y a des spécificités nationales qui peuvent fausser les comparaisons”, prévient Nina Schmidt. Ainsi, sur le papier, l’égalité salariale est bien meilleure en Italie et en Roumanie. Mais, préviens le spécialiste, “c’est essentiellement parce qu’il y a beaucoup moins de femmes qui accèdent au marché du travail et que celles qui y arrivent sont à des postes où il y a peu de disparités”.