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Attentat de Boston : le casse-tête de l'indemnisation des victimes

Au lendemain du double attentat de Boston, l'État du Massachusetts a créé un fonds d'indemnisation pour venir en aide aux victimes du drame. Un avocat, Kenneth Feinberg, doit désormais décider qui, parmi elles, en bénéficiera...

Selon un nouveau bilan revu à la hausse, le double attentat qui a visé le marathon de Boston, le 15 avril, a fait trois morts et, désormais, 264 blessés. Après le choc, les victimes et leurs familles vont devoir rapidement assumer financièrement les soins médicaux nécessaires à leur convalescence, qu’ils disposent d’une assurance-maladie ou non. Ce genre de situation conduit bien souvent à des drames personnels dans une Amérique où le coût exorbitant de la santé et l’accès aux soins pour les plus démunis font toujours débat.

Dix jours après l'attentat, le montant moyen de la facture pour les victimes reste difficile à évaluer car, en plus des soins reçus immédiatement après les explosions, nombreux sont les blessés qui doivent prévenir les conséquences de l'attaque sur leur santé à long terme. Greffes, prothèses post-amputation, séances de rééducation…: leur calvaire ne fait que commencer. Même les victimes assurées risquent d’être contraintes de débourser d’importantes sommes d'argent afin d’adapter leur logement, et plus largement leur vie, à leur nouveau quotidien d’handicapé.

Selon Ted Miller, chercheur au Pacific Institute for Research and Evaluation, "le coût des soins médicaux après une fusillade est généralement de 50 000 dollars (38 000 euros, NDLR)", affirme-t-il, à titre de comparaison, dans les colonnes du New York Times du 22 avril. Sans compter qu'à l'aspect financier s'ajoute la dimension émotionnelle, ce genre de traumatisme nécessitant souvent une longue - et donc onéreuse - psychothérapie.

Kenneth R. Feinberg, "un avocat taillé pour gérer les catastrophes"

Pour aider les victimes et leurs familles à surmonter cette épreuve, le maire de Boston, Thomas M. Menino, et le gouverneur du Massachusett, Deval Patrick, ont créé, au lendemain des attentats, The One Found, un fonds d’indemnisation qui sera reversé aux familles concernées. Cette initiative, qui accepte les dons des particuliers comme des entreprises, a déjà réuni à ce jour plus de 23 millions de dollars (près de 18 millions d’euros).

Nommé à la tête du fonds, Kenneth R. Feinberg est arrivé à Boston le 22 avril, soit une semaine après le drame. Cet avocat chevronné de 67 ans aura la lourde tâche de décider quelles familles pourront bénéficier d’une aide financière et dans quelle proportion. "Kenneth R. Feinberg est taillé pour gérer les catastrophes nationales qui risqueraient d’inonder les tribunaux par des milliers - voire des dizaines de milliers - de plaintes des victimes et de leurs proches. Sa mission est d’évaluer la situation, de mettre en place des méthodes adaptées et de dédommager rapidement et efficacement les victimes afin d’éviter d’interminables litiges", explique le New York Times.

"Compatissant, ferme et persuasif"

Cette fonction de défenseur du droit public, Kenneth R. Feinberg l’a déjà occupée après les fusillades mortelles de Virginia Tech, en 2007, et d’Aurora, en 2012, ainsi qu’après la dévastatrice marée noire du golfe du Mexique, en 2010. Mais il s’est surtout forgé une réputation grâce sa gestion du fonds de compensation destiné aux milliers de victimes du 11 septembre 2001. Décrit par le New York Times comme un individu "compatissant mais ferme, créatif en matière de législation et extrêmement persuasif ", Kenneth R. Feinberg dit avoir pleinement conscience de l’importance de son rôle pour les victimes suspendues à ses décisions, qui sont loin de toujours faire l’unanimité.

À Boston, l’avocat devra donc trouver la bonne formule et élaborer le barème d’indemnisation à appliquer en fonction du préjudice subi, tout en prenant en compte le facteur humain. En somme, un savant équilibre pour contenter un maximum de plaignants tout en faisant du cas par cas. À titre d’exemple, lors de la fusillade de Virginia Tech, les victimes avaient été dédommagées en fonction du nombre de jours où elles avaient été hospitalisées.

Les hôpitaux qui ont accueilli les victimes après le marathon peuvent, de leur côté, décider de faire un geste, comme ce fut le cas après la fusillade d’Aurora. Mais cette décision reste fonction du bon vouloir des directeurs des établissements concernés. Pour l’instant, Tim Gens, le vice-président de l’association des hôpitaux du Massachusetts, a indiqué au New York Times que des discussions sur la politique à adopter étaient en cours entre les différents établissements.

Déblocage urgent des fonds

L'une des plus grandes difficultés - et priorité - à laquelle devrait s’atteler Kenneth R. Feinberg est de débloquer les fonds le plus rapidement possible afin de sortir les victimes et leurs familles de l’impasse financière.

Mais malgré les efforts faits en ce sens, bien souvent, l’argent ne parvient pas à temps. Ce qui explique que familles et amis initient, de leur côté, de nombreuses collectes de fonds privés, notamment via les réseaux sociaux. "Les personnes qui sont assurées pensent, dans un premier temps, être protégées jusqu’à ce qu’elles découvrent, deux mois plus tard, que leur assurance ne couvre que le strict minimum ", regrette Benjamin Coutu, ami d’une victime amputée lors des explosions. Grâce à son appel aux dons, 62 000 dollars (47 000 euros, NDLR) ont été récoltés à ce jour. "Ce qui est génial avec ces sortes de ‘micro-œuvres de charité’, c’est que les victimes peuvent toucher les fonds immédiatement. Ils leurs appartiennent", conclut Benjamin Coutu.