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La première visite en Chine de François Hollande revêt une importance économique particulière. La France accuse en effet un déficit commercial abyssal avec ce pays, contrairement à l'Allemagne qui a su tisser des liens économiques étroits.

Près d’un an après son élection, François Hollande visite pour la première fois la Chine. Un déplacement officiel de 37 heures, entamé jeudi 25 avril, durant lequel les rapports économiques entre les deux pays tiendront forcément une place importante. “Vu la puissance économique de la Chine, François Hollande n’a pas d’autre choix que d’endosser les habits de président VRP à la Sarkozy”, explique à FRANCE 24 Jean-François Dufour, président du cabinet d’études DCA Chine-Analyse. Le chef de l’État a ainsi amené dans ses bagages huit ministres et une soixantaine de patrons.

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Le "made in France" en Chine

L’objectif est clair : profiter de ce déplacement pour passer des contrats et renforcer la coopération économique entre les deux pays. Ce n’est pas un hasard, si, dès jeudi matin, Pékin a annoncé son accord pour acheter 60 Airbus à la France.

Paris a grand besoin d’améliorer ses exportations vers la Chine. Sa balance commerciale avec la deuxième puissance économique mondiale affiche un déficit de 26 milliards d'euros, soit 40% du déficit commercial total français.

"Payer plus cher parce que c’est allemand"

Un chiffre d’autant plus mauvais si on le compare avec celui de l’Allemagne. Berlin affiche un déficit commercial avec la Chine de seulement 10 milliards d’euros, ses exportations sont trois fois plus importantes que les françaises et la part de marché de la première puissance économique européenne dans le commerce global chinois est de 5,3% contre 1,3% pour la France.

“L’avantage allemand tient essentiellement à sa compétitivité hors prix”, explique à FRANCE 24 Mary-Françoise Renard, directrice de l’Idrec (Institut de recherche sur l’économie de la Chine). En clair, les Allemands sont loin devant les Français en terme de qualité et d’image de marque des produits vendus en Chine, de densité du réseau de distribution et pour ce qui est du service après-vente. “Lorsque les Chinois achètent des produits allemands, ils sont prêts à payer plus cher justement parce que c’est allemand”, note cette spécialiste.

“L’Allemagne a aussi une offre plus complète qui correspond davantage à ce que recherche la Chine”, rajoute Jean-François Dufour. Les Chinois veulent davantage de composants et d'équipements industriels exportés par les entreprises allemandes que “les biens de consommations proposés par les Français qui sont, pour une part, aussi produits par des entreprises chinoises”, note cet expert.

Il y a aussi un problème de tissu industriel. “Mis à part les grands groupes français, qui sont compétitifs, il n’y a pas comme en Allemagne un nombre important d’entreprises de taille moyenne ayant des reins financiers suffisamment solides pour supporter le coût d'une vraie stratégie d’exportation vers la Chine”, affirme Mary-Françoise Renard. Cette experte note, en outre, qu’il y a un fort “turnover” des entreprises exportatrices françaises ce qui ne facilite pas l’implantation en Chine.

Enfin, “historiquement la Chine a su jouer l’Allemagne contre la France lorsqu’elle voulait pénaliser Paris pour des positions diplomatiques qui pouvait lui déplaire”, rappelle Jean-François Dufour. Pékin aurait, d’après lui, une préférence pour l’approche diplomatique neutre de Berlin quant Paris peut être prompt à brandir des sujets sensibles en Chine comme les questions de droits de l’Homme.

Secteurs d’avenir

Reste que sans l’ombre pesante germanique, “la compétitivité française demeure meilleure que celle d’autres pays européens comme l’Italie ou l’Espagne”, tempère Mary-Françoise Renard. Le déficit commercial cache aussi une autre réalité autrement plus positive pour Paris : la France fait partie des champions européens, avec la Grande-Bretagne, des investissements en Chine. L’Hexagone est particulièrement actif sur le front des fusions-acquisitions et des partenariats économiques avec des entreprises chinoises.

À court terme, le salarié français peut y trouver à redire. Derrière ces investissements, il y a aussi des délocalisations destructrices d’emplois en France. “Mais les profits ainsi générés en Chine peuvent permettre à des entreprises françaises de compenser des pertes subies en Europe et ainsi sauver à moyen terme l’activité sur le Vieux Continent”, affirme Mary-Françoise Renard.

Autre opportunité pour la France : le petit bond technologique en avant chinois. “La Chine, où le salaire minimum augmente actuellement, essaie de monter en gamme afin de ne plus dépendre des exportations de produits à bas coût de main d’œuvre”, souligne Mary-Françoise Renard. Dans ce contexte, Pékin va avoir besoin de passer des partenariats avec des entreprises européennes qui disposent du savoir-faire qui leur manque encore. “Les entreprises françaises ont un avantage technologique dans plusieurs secteurs qui intéressent la Chine comme le développement durable ou encore les énergies vertes et les services aux entreprises”, assure cette spécialiste.

Pour elle, François Hollande a là une opportunité non seulement de soutenir les ambitions des grands groupes comme LVMH, L’Oréal ou Total, mais aussi de vanter les mérites des entreprises françaises dans ces secteurs d’avenir qui intéressent tant la Chine.