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La commission électorale vénézuélienne a officiellement proclamé, lundi, la victoire de Nicolas Maduro à l'élection présidentielle. Mais des milliers de partisans de l'opposition contestent l'issue du scrutin. Reportage à Caracas.
Lundi 15 avril, 20 heures dans un quartier aisé de Caracas. À l’instar de ses voisins, Sandra Prato, infirmière, est sortie sur son balcon armée de casseroles et de cuillères. Objectif : faire le plus de bruit possible pour protester contre la victoire de Nicolas Maduro. Elle répond ainsi à l’appel du candidat de l’opposition, Henrique Capriles, qui conteste les résultats de l’élection présidentielle du 14 avril, remportée par Nicolas Maduro. "C’est une manière de manifester et d’exprimer la frustration qu’on ressent, affirme la jeune Vénézuélienne. Nous pensons vraiment que les autorités électorales nous ont trompés ! Je veux que le monde entier sache que nous ne voulons pas tous ça pour le pays…"
Le dauphin du défunt président Hugo Chavez a été officiellement élu avec 50,75 % des voix, contre 48,97 % pour le chef de file de l’opposition. "Je vais poursuivre pleinement son héritage pour la défense des pauvres et la défense de l'indépendance", a lancé le président élu, en costume-cravate et la main sur le cœur, tout en assurant avoir "la main tendue" vers l'opposition, lors d'une cérémonie solennelle au siège de l'autorité électorale à Caracas. "Nous avons un président !" ou encore "Chavez vit, la lutte continue !", ont scandé ses sympathisants. De son côté, Capriles a qualifié le président élu d'"illégitime" et a appelé ses partisans à maintenir la pression en organisant des manifestations pacifiques devant les bureaux du Conseil national électoral (CNE) de Caracas et de "tout le pays".
"Nous avons la preuve que Capriles a été élu président !"
Dans les rues de la capitale vénézuélienne, les manifestants ont dénoncé les cas de fraude. "Nous avons la preuve qu’Henrique Capriles a été élu président ! Nous dénonçons une fraude ! Les autorités électorales et le gouvernement se sont mis d’accord pour élire Maduro, qui est incapable de gouverner ce pays", affirme Michel Massri, étudiant. Certains militants se sont également couchés sur le sol devant les forces de l'ordre, tandis que d'autres incendiaient des poubelles et des pneus.
La présidente du CNE, Tibisay Lucena, a rappelé à l'opposition qu'elle devait "utiliser la voie légale" et non des "menaces", citant le cas du duel serré entre Georges W. Bush et Al Gore, lors de la présidentielle américaine de 2000, dont l'issue s'était décidée devant la Cour suprême. "Ce qui se cache derrière les paroles d'aujourd'hui, M. Capriles, c'est une convocation à un putsch contre l'État, les institutions, la démocratie de ce pays", a lancé Jorge Rodriguez, le chef de campagne de Maduro, un terme repris ensuite par le président élu.
Dans ce contexte, le nouveau président peut aussi redouter la convocation d'un référendum révocatoire dans les trois ans. Il suffit à ses détracteurs de réunir 20 % de l'électorat sur une motion de défiance pour pouvoir organiser ce vote. Pour de nombreux fidèles, l'élection de Maduro est garante du maintien des "missions" créées par le défunt charismatique dirigeant socialiste Hugo Chavez, des programmes sociaux financés par la manne pétrolière du Venezuela. Mais son plus grand défi sera sans doute de gouverner un pays plus divisé que jamais.