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Le président par intérim du Venezuela, Nicolas Maduro, a été déclaré vainqueur de l'élection présidentielle avec 50,66 % des voix. Son adversaire, Henrique Capriles, conteste la victoire du dauphin d'Hugo Chavez.

La dernière volonté de Hugo Chavez a été respectée. Son dauphin désigné, Nicolas Maduro, a été élu, dimanche 14 avril, pour lui succéder à la présidence de la République bolivarienne du Venezuela. Crédité de 50,66 % des voix face au chef de l'opposition Henrique Capriles (49,07%), Maduro remporte l'élection présidentielle d'une courte majorité.

"Aujourd'hui, nous pouvons dire que nous avons une victoire électorale juste, légale, constitutionnelle", a clamé Nicolas Maduro devant une foule de partisans réunis devant le palais présidentiel de Miraflores. "C'est une autre victoire, un hommage à notre 'Comandante' Hugo Chavez", a poursuivi le nouveau président, 50 ans, qui réalise un score nettement inférieur à celui de son mentor, lors de la dernière élection d’octobre 2012 (55 % des voix).

Rarement une élection présidentielle au Venezuela n'a été aussi serrée. Quelque 230  000 voix seulement séparent les deux hommes. Le chef de file de l'opposition, Henrique Capriles, qui a refusé de reconnaître la victoire de son rival, a demandé un recompte des voix. "Nous n'allons pas reconnaître un résultat avant que chaque bulletin de vote des Vénézuéliens ne soit recompté, un par un", a déclaré le gouverneur de l'État de Miranda (Nord), entouré de ses sympathisants. "La lutte n'est pas terminée", a souligné cet avocat de 40 ans, qui a opéré une spectaculaire progression après avoir été battu par Hugo Chavez de 11 points lors de la présidentielle d'octobre. "Nous allons insister pour que la vérité soit connue".

Pendant son discours, Capriles a brandi un document de plusieurs pages. "Il affirme avoir recensé 3 200 irrégularités, il a cité notamment des cas d'intimidation ou de pression", indique Pascale Mariani, correspondante de France à Caracas. Capriles devrait les divulguer à la presse". De son côté, la commission électorale nationale a déclaré le résultats "irréversible" car 99 % des bulletins étaient dépouillés.

"Instaurer une véritable économie"

La victoire de Nicolas Maduro annoncée par la Commission électorale signifien en tous cas, la poursuite de la révolution socialiste. Il ne fait aucun doute que le nouveau président à la carrure et la moustache imposantes va devoir respecter le testament laissé par son mentor, affirme Jean Ortiz, maître de conférences à l'Université de Pau qui fait référence au "plan pour la patrie 2013-2019", présenté par Hugo Chavez dès juin 2012. "C’est le carnet de route prévu de longue date pour diriger le pays", précise-t-il. Ce texte repose sur cinq grands objectifs : garantir l’indépendance du pays, respecter la souveraineté nationale, maintenir le pays comme puissance régionale, contribuer à la mise en place d'un monde multipolaire et continuer de construire le socialisme du XXIe siècle.

Depuis le décès d’Hugo Chavez, le 5 mars dernier, le président par intérim et ancien ministre des Affaires étrangères (2006-2012) s’était engagé à "respecter le testament" de son mentor contre "les bourgeois" et "les fascistes". Aujourd’hui élu, Maduro, qui se définit lui-même comme le digne successeur de Chavez, va pouvoir agir et procéder à une série de réformes, note Pascal Drouhaud, spécialiste de l’Amérique latine. "Un important défi s’impose à lui : instaurer une véritable économie dans le pays", explique-t-il. Car le nouveau président hérite d’un Venezuela économiquement à bout de souffle avec un baril de brut bloqué à 100 dollars, un déficit de plus de 15 % du PIB et une inflation record de plus de 20 % en 2012, selon les données officielles.

Au cours des 14 années de mandat d’Hugo Chavez (1999-2013), la rente pétrolière du Venezuela, détenteur des plus importantes réserves de brut au monde, a été essentiellement investie dans les programmes sociaux. Depuis 1999, 550 milliards de dollars y ont été engagés sur les 698 milliards de dollars rapportés par les exportations pétrolières, selon les économistes.

"La rente pétrolière a déformé structurellement le pays", analyse Jean Ortiz. Aujourd’hui, le Venezuela importe la plupart des produits consommés par sa population. "Une réforme agraire semble aujourd’hui indispensable car l’agriculture tient une place bien faible dans l’économie du pays", ajoute-t-il. Depuis septembre 2012, les pénuries ne cessent de compliquer la vie des Vénézuéliens. Selon les statistiques de la Banque centrale, "l'indice de pénurie", qui mesure les produits manquants au panier de base, est de 20 %.

"Après Chavez, c’est le peuple"

Pour autant, celui qui a promis d’être le "président des pauvres" ne devrait pas délaisser tous les programmes sociaux, symbole de l’héritage de Chavez. Inspirées du modèle cubain, ces missions sociales mises en place dans l’éducation, la santé ou encore le logement, ont permis de faire reculer la pauvreté de façon significative. Elle est passée de 49,9 % en 1999 à 27,8 % en 2010 et l’extrême pauvreté a réduit de 21,7 % à 10,7 %, selon la Commission économique de l’ONU pour l’Amérique latine et les Caraïbes (Cepal).

Dans le même temps, le nouveau président va devoir "libérer" le Venezuela de "la violence, la criminalité et la délinquance". La lutte contre l'insécurité reste l’un des grands échecs de 14 années de chavisme dans un pays qui affiche un taux d'homicides record en Amérique du Sud (55 pour 100 000 habitants en 2012, selon le gouvernement), près de huit fois supérieur à la moyenne mondiale. Maduro entend proposer un plan de travail aux 79 municipalités concentrant les plus forts indices de délinquance. Autre lutte qu’il entend mener : "combattre la corruption partout où elle se trouve". "Je donnerai ma vie […] si c'est nécessaire", a-t-il déclaré le 7 avril.

Pour cela, il devra construire un nouvel État, prévient Jean Ortiz. "C’est un chantier énorme mais c’est le seul avenir possible pour le Venezuela", indique l’universitaire. Concrètement, Maduro entend miser sur les conseils communaux, "ces gouvernements locaux gérés par les populations qui ont souvent été effacés par le leadership de Chavez. "Tous les Vénézuéliens ne cessent de répéter que Chavez est irremplaçable, rappelle Jean Ortiz. Pour imposer sa marque, le syndicaliste et autodidacte, qui a gagné en assurance et en profondeur tout au long de sa campagne, a donc décidé de s’appuyer sur la doctrine du "pouvoir populaire". "Après Chavez, c’est le peuple", se plaît à dire l’ancien conducteur d’autobus qui se distingue par son style direct. "À défaut de ne pas être Chavez, Maduro a l’atout de jouer la carte du collectif", conclut Jean Ortiz.