Cortège funéraire digne de la famille royale, présence controversée de la reine, hommage parlementaire jugé dispendieux… Les obsèques de Margaret Thatcher qui se dérouleront le 17 avril à Londres suscitent la polémique.
Il ne sera pas national mais solennel. Peu importe la nuance, l’hommage que le Royaume-Uni rendra à Margaret Thatcher le 17 avril, à Londres, promet d’être exceptionnel. Tout d’abord par son coût qui, outre-Manche, déchaîne les passions.
Selon
le quotidien britannique The Guardian , le montant des funérailles de la Dame de fer, décédée le 8 avril à l’âge de 87 ans, serait compris entre 9 et 12 millions d’euros.
Seules, dans l’histoire récente du Royaume-Uni, la reine mère et Lady Diana avaient eu droit à de si onéreuses obsèques (9,5 millions d’euros pour la première, 9 millions d’euros pour la seconde). À titre de comparaison, rappelle The Guardian, les obsèques nationales réservées à Winston Churchill en 1965 avaient coûté 3,2 millions d’euros aux contribuables britanniques.
700 militaires et de centaines de policiers
Contribuables qui, en ces temps de drastique austérité imposée par leur gouvernement, pourraient avoir du mal à avaler la pilule funéraire. "Nous pensons que la cérémonie aurait pu être un peu modeste – n’aurait-on franchement pas pu se passer des canons et du cortège – pour reconnaître que Margaret Thatcher n’a jamais fait l’unanimité dans la société britannique", s’insurge The Daily Mirror,
cité par Le Monde .
Dénommée par le gouvernement "Operation True Blue" - en référence à la couleur de prédilection du parti conservateur – la cérémonie prévoit le déploiement d’un cortège le long des quelque 4,5 kilomètres qui séparent le palais de Westminster de la cathédrale Saint-Paul, où la dépouille arrivera dans un cercueil hissé sur un affût de canon de la garde royale. D’après l’enquête menée par The Guardian, c’est la sécurisation de ce défilé funéraire qui devrait constituer le plus gros des dépenses pour l’État. Pas moins de 700 militaires et des centaines de policiers seront mobilisés pour l’événement, que certains craignent de voir perturbé par des groupuscules nord-irlandais et de l’extrême-gauche, "ennemis" historiques de Margaret Thatcher.
Défilé de VIP
Il faut dire que de nombreuses personnalités de haut rang figurent sur la liste de 2 300 invités aux obsèques (voir encadré ci-dessous). Au premier rang des VIP trône la reine Elisabeth II. Une présence qui n'est pas sans choquer dans un royaume très attaché à la séparation des pouvoirs entre le chef de l'État et le Premier ministre. Selon
l'éditorialiste Peter Oborne du quotidien conservateur Daily Telegraph , la participation de la reine "nuira à la réputation de la monarque, tenue à une scrupuleuse impartialité".
downing street
Le chef du gouvernement britannique David Cameron a écourté lundi sa visite en Espagne et en France pour rentrer à Londres à la suite de la mort de l'ex-Premier ministre Margaret Thatcher, a annoncé Downing Street.
Au nom de "la relation spéciale" anglo-américaine, on compte aussi parmi les convives les ex-présidents des États-Unis et un représentant de son défunt ami Ronald Reagan. Pas de carton d’invitation en revanche pour la présidente argentine, Cristina Kirchner, qui conteste régulièrement la souveraineté britannique sur les îles Malouines que le gouvernement Thatcher parvint à récupérer au régime militaire de Buenos Aires au terme d’un conflit aussi court que coûteux en vies humaines.
"Un appel d’offres pour les obsèques"
Outre le cortège jugé dispendieux, l’hommage parlementaire qui s’est tenu mercredi 10 avril à la demande de David Cameron a déjà fait bondir une partie de la presse et de l’opposition britannique. Invités à saluer la mémoire de Margaret Thatcher dans la chambre des Communes, de nombreux parlementaires ont dû interrompre leurs vacances de printemps pour rentrer fissa à Londres. Des retours express dans la capitale britannique qui auront coûté trois millions d’euros, soit 4 000 euros par élu du peuple,
rapporte le site anglais du Huffington Post .
Il n’en fallait pas plus pour que les détracteurs de la défunte chantre de l’ultralibéralisme ne réclament la privatisation de ses obsèques. Chef de file du cinéma social britannique, Ken Loach a, non sans ironie, émis l’idée de "privatiser son enterrement, faire un appel d’offres et opter pour le moins cher : c’est ce qu’elle aurait voulu".
Une pétition formulant le même vœu recueillait, jeudi 11 avril, près de 34 000 signatures.
Tenue noire exigée ?
Plus surprenant, certains fonctionnaires du corps diplomatique britannique ont eux aussi exprimé leur mécontentement. Objet de la discorde : un mémo du Foreign Office enjoignant son personnel de porter des tenues sombres le Jour J. "Mercredi 17 avril sera jour de funérailles. Toutes nos équipes doivent s’habiller en circonstance… Les hommes devront porter un costume noir et une cravate noire. Les femmes devront porter des couleurs sombres."
Un "dress code" pour le moins strict, que les conventions réservent d’ordinaire au jour de funérailles nationales. "Lorsque nous avons reçu ses instructions, ce fut un choc car cela constituait clairement une entorse au protocole, s’est ému une source du Guardian. Nous nous sommes demandés s’il ne s’agissait pas d’une décision prise sous l’influence des politiques." Face à la levée de boucliers de plusieurs diplomates et fonctionnaires, le Foreign Office a retiré, mercredi, ses injonctions qu'il a imputées à une "erreur administrative".
Coup de Trafalgar
Pour les conservateurs, les obsèques grandioses du 17 avril ne seront toutefois pas suffisantes. Dans un élan commémoratif, le fougueux maire de Londres, Boris Johnson, a proposé que soit élevée une statue de Margaret Thatcher dans un endroit "bien en vue" tel, pourquoi pas, Trafalgar Square. Le ministre de la Défense, Philip Hammond, a pour sa part, trouvé l'idée appropriée.
Une telle perspective n'est en revanche pas du goût des anti-Thatcher qui se font fort de rappeler que la célèbre place fut jadis le théâtre d'affrontements entre la police et des manifestants protestant contre l'instauration d'une taxe envisagée par l'ancienne chef du gouvernement.
David Cameron souhaite toutefois prendre le temps de la réflexion. Ce jeudi, le Premier ministre a déjà indiqué qu'il fallait mieux attendre la tenue des obsèques avant de décider de l'érection d'une statue à la gloire de Margaret Thatcher. Dont on ne sait d'ailleurs pas encore si elle sera en fer.