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Habitants d'une ville meurtrie par dix ans de guerre et d'attentats, les Bagdadis tentent, malgré tout, de vivre normalement. À l'occasion du 10e anniversaire de la chute de Saddam Hussein, les envoyés spéciaux de FRANCE 24 sont partis à leur rencontre. Reportage.

La violence a profondément modifié le visage de Bagdad. Elle fut l’une des capitales les plus importantes du Moyen-Orient et l’une des plus riches aussi. Aujourd’hui, la ville apparaît comme lacérée de murs de béton. Chaque quartier est bunkerisé, cloisonné par la police et l’armée. Les checkpoints provoquent d’immenses embouteillages, alors que des hommes armés jusqu’aux dents passent, le long des voitures, un détecteur d’explosifs à la main.

L’Irak dispose d’une des plus grandes forces de sécurité du monde, le ministère de l’Intérieur emploie 500 000 hommes. À chaque coin de rue, c’est le même spectacle : des policiers en gilet pare-balle, armés de kalachnikovs, surveillent le trafic depuis leurs Hummers blindés. Ces armes et ces murs donnent à Bagdad une atmosphère post-apocalyptique...

Le 19 mars, l’utilité de ces forces de sécurité se rappelle à tous. Al-Qaïda célèbre à sa manière le dixième anniversaire de l’invasion américaine. Ce matin-là, vers 9 heures, nous nous préparons à intervenir en direct de Bagdad. Nous sommes sur la place où trône encore le piédestal de la statue de Saddam Hussein, arrachée en 2003 par les soldats américains. Boom, première explosion à quelques centaines de mètres. Un panache de fumée s’élève au-dessus des bâtiments. Trois minutes plus tard, nouvelle explosion. Nouveau panache de fumée. Nous avons des choses à raconter pour notre direct... Ensuite, il faut rapidement se mettre à l’abri à l’hôtel. Tous les magasins ferment, les rues se vident… La journée se révèle être la plus meurtrière depuis septembre 2012. Au total, 17 attentats en à peine deux heures. Bilan : 60 morts et 200 blessés.

Vivre normalement, malgré tout

En dix ans, les Bagdadis se sont presque "habitués" aux attentats. Il y a deux règles : nettoyer les dégâts immédiatement pour tenter de les effacer de la mémoire collective et reprendre une vie normale, tout de suite. Ici, tout le monde ou presque a perdu quelqu’un, des blessures qui ne se referment jamais vraiment.

Pourtant les gens vivent leur vie normalement, en dépit des coupures de courant et des difficultés économiques.

En fin de journée, quand la température baisse, le parc Abu Nawas, situé le long du Tigre, se remplit. Les habitants de Bagdad viennent faire du sport et se détendre en famille. Les jeux d’enfants sont pris d’assaut, tandis que chaque coin de verdure se transforme en terrain de foot improvisé. Quand la nuit tombe, on vient déguster du poisson grillé sur les terrasses qui donnent sur le fleuve. Dans ces moments, la violence paraît bien lointaine.

Les théâtres sont pleins tous les soirs, la place est à 4€ et les habitants de Bagdad sont friands de comédies. La vie artistique est étonnement développée, d’ailleurs Bagdad a été désignée capitale de la culture du monde arabe pour 2013.

Si deux vagues d’attentats ont frappé la ville durant notre visite, la vraie surprise aura été de voir ces hommes et ces femmes vivre normalement, en dépit de la violence et des crises politiques. Loin de l’image qu’on peut se faire en regardant les journaux télévisés, le peuple de Bagdad nous a montré qu’il se remet doucement de ses blessures.