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Grève de la faim "sans précédent" des détenus de Guantanamo

De plus en plus de détenus du camp 6 de Guantanamo se joignent à un mouvement de grève de la faim entamé le 6 février. Ils protestent contre leur incarcération qui s’éternise tandis que les deux tiers d’entre eux ont été déclarés libérables.

"Cette prison est leur tombe": une grève de la faim "sans précédent", selon les avocats, touche un nombre croissant de détenus de Guantanamo qui protestent contre leur incarcération illimitée alors que s'éloigne la perspective de fermeture du centre de détention.

Cette grève de la faim, qui entre dans sa 7e semaine sur l'enclave cubaine, est "sans précédent par son ampleur, par sa durée et par sa détermination", a expliqué à l'AFP David Remes, l'avocat de 15 détenus de Guantanamo, tous grévistes.

Les autorités militaires de la prison américaine controversée reconnaissent la montée en puissance du mouvement: "Vendredi, nous avons 26 grévistes de la faim, dont 8 sont alimentés par des tubes. Cela représente une augmentation par rapport à jeudi, où ils étaient 25 pour 8, à mardi et mercredi où ils étaient 24 pour 8, à lundi, 21 pour 8 et à vendredi dernier, 14 pour 8", précise le capitaine Robert Durand, porte-parole de la prison.

"Deux détenus sont hospitalisés pour réhydratation, observation, et alimentation par des tubes", ajoute-t-il dans un communiqué laconique.

Le mouvement a été déclenché le 6 février, jour d'une fouille de "routine" selon le capitaine Durand. Les détenus ont rapporté que leurs Corans avaient été examinés par des gardiens, ce qu'ils ont perçu comme "une profanation religieuse".

Avec le "désespoir en toile de fond", la majorité des 166 prisonniers de la prison, qui vit au camp 6 --environ 130 détenus-- observent la grève de la faim, préviennent une cinquantaine d'avocats.

Le camp 6, érigé sur une des collines de Guantanamo, abrite les détenus qui ne présentent aucun risque, problème de discipline ou valeur particulière aux yeux de la justice américaine.

"Les deux tiers du camp 6 sont des détenus qui ont été déclarés libérables" par les autorités militaires, rappelle Me Remes. Parmi eux, 56 Yéménites, qui ne peuvent rentrer dans leur pays en raison d'un moratoire décrété par Barack Obama à la suite de complots terroristes organisés au Yémen.

"Aucun projet de fermeture"

"Ils ont été arrêtés par hasard, leur vie est foutue, on leur a tout enlevé", ajoute l'avocat, insistant sur "l'absolue frustration" dans laquelle ces détenus se trouvent "dans leur douzième année à Guantanamo, alors que s'éloigne pour eux la perspective de ne jamais sortir". "Cette prison est leur tombe", selon lui.

Pour son confrère du Centre pour les droits constitutionnels (CCR), Omar Farah, le président américain, malgré ses promesses, "n'a aucun projet de fermer Guantanamo et n'a aucune idée sur comment s'y prendre".

Pour preuve, la demande de fonds présentée au Congrès pour réhabiliter la base militaire de Cuba.

Le général John Kelly, patron du commandement d'Amérique latine (Southcom) dont dépend Guantanamo, a demandé 170 millions de dollars pour améliorer les équipements de ses troupes sur place et mentionné la nécessité de remplacer le camp des détenus "spéciaux" --sans doute le camp 7 d'une quinzaine de détenus de "grande valeur", dont les cinq accusés des attentats du 11-Septembre.

"Je suppose que Guantanamo fermera un jour mais si nous regardons les 11 dernières années, nous pensions que ce serait temporaire. Qui sait où nous allons?", a déclaré le général Kelly.

Pour Frank Jannuzi, directeur adjoint d'Amnesty International USA, "le meilleur moyen de fermer Guantanamo est d'en réduire la population" en commençant par ceux qui ont été déclarés libérables.

Sans lumière au bout du tunnel, les détenus, qui ont perdu jusqu'à 20 kilos, sont "résolus" à aller jusqu'au bout de leur grève de la faim, a ajouté Me Farah. "Ils se voient vieillir et mourir dans une prison rigoureuse, sans avoir jamais été inculpés ou traduits en justice".

AFP