La Coalition nationale syrienne a élu Premier ministre lundi, à Istanbul, l'islamiste Ghassan Hitto. Cet ancien cadre dans les télécommunications, qui a longtemps vécu aux États-Unis, devra rassembler la rébellion syrienne.
La Coalition nationale de l'opposition syrienne a élu lundi soir, à Istanbul, Ghassan Hitto, un cadre supérieur issu de la mouvance islamiste, Premier ministre intérimaire des territoires syriens aux mains de la rébellion. "Ghassan Hitto a gagné avec 35 voix sur 49", a annoncé Hicham Marwa, membre de la Coalition, au terme du dépouillement des bulletins de vote.
Lors de son discours inaugural, Ghassan Hitto a rappelé son hostilité au régime de Damas. "Nous confirmons au grand peuple syrien qu'il n'y aura pas de dialogue avec le régime d'Assad", a-t-il lancé.
Sana, l'agence de presse gouvernementale syrienne, accuse les rebelles d'avoir eu recours à des armes chimiques lors d'une attaque à Alep, dans le nord de la Syrie. "Les terroristes ont tiré des roquettes contenant des substances chimiques à Khan al-Assal dans la région rurale d'Alep et les premières informations montrent qu'une quinzaine de personnes, pour la plupart des civils, ont été tuées", écrit l'agence Sana, dont il n’a pas été possible de vérifier dans l’immédiat les informations. (AFP)
Il était opposé à 11 autres candidats. Son principal concurrent, l'ex-ministre de l'Agriculture de l'ancien président Hafez al-Assad, Assaad Moustapha, a remporté sept suffrages.
Né en 1964, Ghassan Hitto était jusqu'à l'an dernier cadre supérieur dans une compagnie de télécommunications au Texas (États-Unis) mais il a rejoint, en novembre 2012, les rangs de l'opposition et s'est impliqué dans l'assistance humanitaire à la population syrienne.
Plusieurs figures de la CNS ont boycotté la séance
Le vote est intervenu après 14 heures de consultations entre les quelque 70 membres de la Coalition qui, pour certains, ont décrit Hitto comme un "candidat de consensus" satisfaisant à la fois les courants islamistes et libéraux de l'opposition.
Plusieurs figures de la CNS, notamment le chef tribal Ahmad Djarba et les opposants Walid al-Bounni et Kamal al-Labouani, ont quitté la séance avant le vote pour afficher leur opposition à un scrutin organisé à leurs yeux dans l'urgence avec le soutien des chancelleries étrangères.
"C'est un vote transparent, un vote démocratique", a pour sa part commenté le président de la Coalition, Ahmed Moaz al-Khatib, tandis que les électeurs déposaient leur bulletin dans une urne transparente dans la salle de conférence de l'hôtel stambouliote où avait lieu la réunion.
Il se rendra bientôt en Syrie
Ghassan Hitto y est arrivé quelques minutes plus tard, accueilli par une salve d'applaudissements. "Nous vous disons (au peuple syrien) que nous sommes avec vous, et que si Dieu le veut, nous serons victorieux", a déclaré le nouveau Premier ministre intérimaire à la presse, ajoutant qu'il saluait le "grand" peuple syrien.
"Nous allons annoncer bientôt le programme de ce nouveau gouvernement", a indiqué celui qui devra rapidement confirmer en Syrie même sa légitimité.
"Le Premier ministre va se rendre en Syrie et avoir une série de rencontres avec les chefs de groupes rebelles qui combattent le régime d'Assad", a affirmé à l'AFP avant l'élection Samir Nashar, membre de la Coalition. Ces rebelles délimiteront "jusqu'à quel point ils sont prêts à accepter les prérogatives du Premier ministre. Cela pourrait prendre du temps", a-t-il ajouté.
Le chef élu du futur gouvernement bénéficie en tout cas du soutien de l'Armée syrienne libre (ASL), la principale force armée de la rébellion.
"Nous prenons la responsabilité de protéger le gouvernement (intérimaire) dans toutes les zones libérées de Syrie, et si un ministre veut se rendre dans une zone non libérée, nous prenons la responsabilité de le protéger, jusqu'au cœur de Damas", a souligné Selim Idriss, le chef d'état-major de l'ASL, lors d'une conférence de presse avant l'élection.
Objectif : 500 millions de dollars pour rouvrir un certain nombre de services
À terme, le gouvernement intérimaire devra nécessairement être basé en Syrie, a souligné un porte-parole de la Coalition, Khaled al-Saleh, insistant sur le fait qu'"un gouvernement qui fonctionnerait via Internet ou Skype, ça ne peut pas fonctionner".
Il aura besoin de trouver au moins 500 millions de dollars (près de 400 millions d'euros) par mois pour que son gouvernement de transition puisse assurer un certain nombre de services, rouvrir les écoles, payer les fonctionnaires dans les régions où l'autorité centrale s'est effondrée, a indiqué un responsable de la coalition.
Ghassan Idriss a également garanti que l'ASL était en mesure de contrôler les armes qu'on lui confiait, alors que la France s'est dite prête à armer les rebelles avec la Grande-Bretagne, même en l'absence d'un consensus au sein de l'Union européenne.
"Nous espérons que les pays européens prendront la décision de nous donner des armes et des munitions. (...) Nous leur donnons toutes les garanties que ces armes ne tomberont pas dans de mauvaises mains ou dans celles d'extrémistes", a-t-il affirmé.
À Washington, le chef de la diplomatie américaine, John Kerry, a indiqué lundi que les États-Unis "ne font pas obstacle" à une telle démarche de pays européens.
De son côté, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-Moon, en condamnant "la force brutale" employée par le président Bachar al-Assad, a estimé que les gouvernements devaient agir rapidement pour éviter "une destruction complète" de la Syrie. "Aujourd'hui, le monde regarde les conséquences (de la guerre) avec horreur", a-t-il ajouté dans un communiqué marquant deux années d'affrontements en Syrie.
Avec dépêches