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Pour la première fois, une journée dédiée à la mémoire des victimes de la guerre d'Algérie doit être observée en France, le 19 mars. Mais cette date ne fait pas l'unanimité au sein de la classe politique et des associations de harkis.

Le Sud se rebiffe. Plusieurs élus UMP des bords de la Méditerranée, dont Christian Estrosi, maire de Nice, Jean-Marc Pujol, maire de Perpignan, ou encore Eli Aboud, député de l’Hérault, refusent de commémorer la signature des accords d’Évian marquant la fin de la guerre d’Algérie, le 19 mars 1962. En cause : la symbolique de cette date que l’opposition considère comme "un cessez-le-feu qui ne fut pas un cessez-le-sang".

"Nous comprenons que le 19 mars représente un réel soulagement pour les soldats français du contingent et leurs familles, acteurs d’un conflit qui, bien souvent, les dépassait. Mais n’oublions pas qu’après le 19 mars furent torturés et massacrés des dizaines de milliers de harkis. Plusieurs milliers de civils européens furent enlevés et portés disparus", écrit Elie Aboud sur son site web.

Du même avis, Christian Estrosi mène, depuis plusieurs semaines, une véritable campagne contre le 19 mars. Il refuse que les bâtiments publics de sa ville marquent l'événement, malgré la circulaire préfectorale en ce sens envoyée aux élus. Le maire de Nice estime que cette journée est "un déni de vérité" car le 19 mars 1962 a, selon lui, surtout marqué "le début d'un calvaire" pour les harkis. À Perpignan, les drapeaux seront même en berne, a annoncé le maire de la ville, Jean-Marc Pujol.

"Les maires sont libres de faire ce qu’ils veulent "

Fixée au 19 mars par la loi du 6 décembre 2012, la "journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc" est une proposition initiée par le gouvernement de Lionel Jospin, en 2002, qui n’avait jusqu’à présent pas abouti. Elle a finalement été votée le 8 décembre 2012 par le Sénat puis validée par le Conseil constitutionnel, dix ans après avoir été initiée.

Au gouvernement, on tente de relativiser la fronde sudiste. "Les maires sont libres de faire ce qu’ils veulent. L’obligation légale, c’est une cérémonie par département organisée par le préfet. Ce qui, pour l’heure, devrait être respecté", explique le ministère des Anciens Combattants, joint par FRANCE 24.

De son côté, le directeur de la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie (FNACA), Guy Darmanin, se montre ferme. "Lorsque l’on est républicain, on doit se plier à la loi. Et celle-ci a été votée par le Parlement élu démocratiquement par les Français", a-t-il simplement déclaré à FRANCE 24.

Le 5 décembre et le 11 novembre déjà pour l’Algérie

Depuis 2003, une "Journée nationale d'hommage aux morts pour la France pendant la guerre d'Algérie" a déjà été établie au 5 décembre, date sans aucune connotation historique choisie par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Plusieurs responsables politiques et associations d’anciens combattants avaient, à l'époque, fait part de leur mécontentement, préférant la symbolique des accords d’Évian.

"Le 5 décembre a été choisi simplement en fonction de l’agenda du président de l'époque, Jacques Chirac. Cette date, qui correspond à l’inauguration du mémorial de la guerre d’Algérie au musée du quai Branly n’a aucun sens", rappelle Guy Darmanin. "Toutes les guerres sont suivies d’exactions. Pour la Seconde Guerre mondiale, nous en célébrons l’armistice le 8 mai, alors qu’elle a véritablement pris fin le 2 septembre, après Hiroshima", argumente-t-il.

Un consensus avait été tenté par Nicolas Sarkozy qui, en 2011, avait décidé d'étendre la commémoration du 11 novembre à tous ceux qui sont récemment tombés pour la France. Mais, là encore, de nombreuses voix s’étaient élevées contre ce "Memorial Day" à l’américaine. Autant de dissensions qui montrent que la délicate question algérienne demeure, 51 ans plus tard, un lourd fardeau pour les gouvernements français successifs. Les Français, quant à eux, semblent n’avoir que "l’embarras du choix" puisque le ministère des Anciens Combattants l’assure : "Le 5 décembre restera également une date de commémoration".