Le procès du présumé dépeceur de Montréal, Luka Magnotta, s'est ouvert ce lundi au Canada. Malgré la preuve en vidéo du meurtre de son ami, l'accusé compte plaider non-coupable.
Luka Rocco Magnotta, un ancien acteur porno accusé d'avoir tué et dépecé en mai dernier son petit ami chinois, a assisté lundi, immobile et impassible, à une première audience qui a porté sur la présence des médias, que ses avocats veulent réduire à néant.
Vêtu d'un T-shirt et d'un pantalon blancs, Magnotta, 30 ans, est resté assis dans un box vitré sans faire un geste, les mains sur les genoux.
La famille de la victime était également présente à l'audience, couverte par plusieurs dizaines de journalistes, photographes et vidéastes.
Il s'agissait de la première d'une série d'audiences préliminaires, au cours desquelles la juge Lori Renée Weitzman doit évaluer les preuves pour décider s'il y a lieu de lancer le procès au sens strict du terme.
Ces débats sont couverts par une ordonnance de non-publication en ce qui concerne les preuves présentées, ce qui limite strictement leur couverture médiatique.
Cependant, les avocats de Magnotta, jugeant ces limitations insuffisantes, ont demandé que le public et les journalistes soient bannis de la salle d'audience.
L'un d'entre eux, Me Luc Leclair, a soutenu en substance qu'une telle mesure contribuerait à assurer à son client un "procès juste" et que la présence du public et des médias risquait, au contraire, d'influencer négativement le jury. L'accusation et un avocat représentant les médias, Me Mark Bantey, ont en revanche jugé qu'une telle mesure serait excessive.
"Nous soutenons qu'une ordonnance de non-publication est amplement suffisante pour protéger les droits de l'accusé à un procès équitable et qu'il n'est pas nécessaire d'exclure le public ou les journalistes de la salle", a expliqué Me Bantey à l'issue de l'audience. "Au contraire il est essentiel que les journalistes et le public soient là pour examiner la procédure".
Version YouTube d'Erostrate
La juge Lori Renée Weitzman doit rendre une décision sur ce point mardi matin. L'enquête préliminaire devrait entrer ensuite dans le vif du sujet. Il est prévu qu'elle dure deux semaines, mais si ce laps de temps s'avère insuffisant pour entendre tous les témoins, elle pourrait être suspendue pour reprendre début juin.
Le meurtre sadique de l'étudiant chinois Lin Jun, perpétré avec un pic à glace dans l'appartement de l'accusé, a été filmé par son auteur et montré sur internet. Magnotta s'est enfui en Europe immédiatement après et a été arrêté le 4 juin 2012, après une cavale en France et en Allemagne, alors qu'il lisait, dans un cybercafé berlinois, des articles sur son affaire.
Des parties du corps de la victime avaient été envoyées par la poste à travers le Canada, y compris au parti conservateur au pouvoir.
Avec ses publications sur internet, l'ancien acteur porno raté de 30 ans, obsédé par son image, semblait incarner une sinistre version YouTube d'Erostrate, ce Grec qui avait incendié le temple d'Artémis à Ephèse, il y a 23 siècles, pour devenir célèbre à jamais.
Cependant, quelques jours après son arrestation à Berlin, extradé au Canada et comparaissant pour la première fois devant la justice, Magnotta a plaidé non-coupable de tous les chefs d'inculpation.
Pourquoi a-t-il choisi de nier ce qui paraît être l'évidence ?
Juristes et psychologues québécois ont avancé deux hypothèses à ce sujet. Selon la première, Magnotta voudrait tout simplement faire durer le procès pour jouir de l'intérêt du public et des médias.
Selon la seconde hypothèse, il s'agirait de la stratégie de ses avocats qui, face à une mission impossible, auraient décidé de tout faire pour compliquer la tâche de l'accusation, en commençant par refuser de reconnaître la culpabilité de Magnotta.
AFP