Confirmé par le Sénat le 7 mars, John Brennan succède au général Petraeus à la tête de la CIA. Retour sur le parcours d’un homme souvent réduit à son rôle dans l’utilisation des drones militaires pour la lutte contre le terrorisme.
Pour beaucoup, le personnage se résume à son surnom de “tsar des drones” et à son rôle dans l’élaboration des “kill lists”, ces listes de cibles humaines pour les controversés avions tueurs sans pilote.
John Brennan, dont la nomination au poste de directeur de la CIA a été confirmée jeudi 7 mars par le Sénat américain, en est bien conscient. Ce vétéran du renseignement âgé de 57 ans succède à David Petraeus qui avait dû démissionner le 9 novembre 2012 à cause d'un scandale sexuel.
Lors de la session des questions-réponses, le sénateur républicain Rand Paul a profité de la tribune offerte pour lourdement revenir sur la controverse autour des assassinats ciblés de terroristes présumés.
Durant un mémorable monologue de 13 heures, il a longuement critiqué les habits de “Mr Drones” du nouveau patron des services américains de contre-espionnage. Depuis 2010, l’armée américaine a dirigé 113 frappes de drones au Pakistan et plus de 50 au Yémen et en Somalie, d’après un décompte du Washington Post.
Le stratège de Barack Obama
Si les États-Unis sont devenus accros à ces avions militaires téléguidés depuis les États-Unis pour lutter contre al-Qaïda, ce serait essentiellement de son fait. Il a été pendant quatre ans, en tant que conseiller à la sécurité nationale à la Maison Blanche, l’homme qui murmurait la stratégie contre le terrorisme à l’oreille du président Barack Obama.
La proximité de vue entre les deux hommes est, d'ailleurs, connue de tous. “Je ne pense pas que nous avons eu un seul point de désaccord depuis ma nomination en 2009”, assurait en août dernier John Brennan au Washington Post.
En 2008 déjà, il avait été le favori de Barack Obama pour diriger la CIA, mais avait de lui-même retiré sa candidature après une vague de critiques à l’encontre de son soutien à des méthodes musclées d’interrogatoire. Des reproches que John Brennan avait eu du mal à digérer. Il avait alors rappelé qu’il avait toujours condamné les techniques d’interrogatoire les plus extrêmes comme le waterboarding (simulation de noyade).
Un vétéran de la CIA
Le nouveau patron de la CIA assume, en revanche, son soutien à l’utilisation des drones. L’administration Obama a répété plusieurs fois que la plupart des responsables d’al-Qaïda éliminés ont pu l’être grâce à des frappes aériennes.
Et, comme le souligne le site américain d’information The Atlantic, John Brennan se voit avant tout comme l’architecte d’un cadre opérationnel pour l’utilisation de ces armes technologiquement avancées. Ramener ces opérations sous la tutelle de la Maison Blanche lui a permis, d’après The Atlantic, de les soustraire quelque peu à la culture du secret de la CIA.
Mais le parcours de John Brennan peut, en fait, difficilement être résumé à son image médiatique de “tsar des drones”. Il est avant tout un vétéran de la CIA et l’un des meilleurs connaisseurs du monde arabe et musulman au sein de la communauté américaine du renseignement.
Recruté après une annonce dans le New York Times
Lorsqu’en 1980, il entre à la CIA après avoir répondu à une annonce de recrutement dans le New York Times, il lorgne déjà vers le monde musulman. Normal, durant ses études en sciences politiques, il a passé un an à l’Université américaine du Caire (Égypte) et plusieurs mois en Indonésie, plus grand pays musulman au monde.
En moins de dix ans, il gagne la réputation d’être l’un des analystes sur le Moyen-Orient les plus pointus de l’agence d’espionnage. “Il est l’homme le plus travailleur que j’aie jamais rencontré”, se souvient l’un de ces anciens collègues, interrogé par le Washington Post. “Il a tendance à vouloir tout contrôler et être au courant de tout dans ses domaines de compétence”, raconte un autre.
Un dévouement qui lui permet de gravir rapidement les échelons de la CIA. Quelques mois avant l’attaque du 11 septembre 2001, il est ainsi nommé directeur adjoint sous le règne de George Tenet. Mais les attentats d’al-Qaïda sur le sol américain vont sensiblement changer la donne pour cet expert du monde musulman.
Contre la guerre en Irak
Il est sans conteste l’un des mieux placés pour profiter professionnellement de la tragédie. Il est ainsi pressenti pour prendre la tête, en 2003, du National Counterterrorism Center (Centre national de lutte contre le terrorisme). Problème : il s’oppose trop ouvertement à la guerre en Irak décidée par le président George W. Bush. Le poste lui échappe alors pour des raisons politiques.
Les relations entre John Brennan et l’ancien président républicain connaissent d’ailleurs peu après un autre couac. Ce grand spécialiste du renseignement est ainsi l’un des premiers à qualifier publiquement d’acte de torture la technique très controversé de waterboarding pour obtenir des informations des terroristes capturés.
Finalement, il revient sur le devant de la scène en rejoignant l'équipe de campagne du candidat Barack Obama en 2008. Un soutien qui aura donc porté ses fruits. C’est ainsi John Brennan qui, le 3 mai, a été désigné pour donner le détail à la télévision de l’opération qui a permis d’éliminer Oussama Ben Laden. Une intervention pendant laquelle il prononce quelques faits très contestés depuis.
Il assure ainsi qu'il y a eu un échange de coups de feu avant la mort d'Oussama Ben Laden et que le chef d'al-Qaïda avait utilisé une de ses femmes comme bouclier humain. Des affirmations un peu hâtives qui ne l'ont pas empêché de devenir le 25e chef de la CIA.