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Benjamin Netanyahou "n'est pas confronté à une crise politique"

Chargé depuis le 2 février de former un gouvernement, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou peine à former son cabinet. Frédéric Encel, politologue et auteur de l'"Atlas géopolitique d'Israël", décrypte la situation pour FRANCE 24.

Chargé depuis le 2 février de former le nouveau gouvernement israélien à la suite des législatives de janvier, le Premier ministre Benjamin Netanyahou s’est vu accorder, en début de mois, un nouveau délai jusqu'au 16 mars pour y parvenir.

Et pour cause, depuis quatre semaines, seule Tzipi Livni, ancienne ministre des Affaires étrangères et chef de file du parti centriste HaTnouah (Le Mouvement), a accepté de rejoindre son cabinet. Cet accord lui permet d’ajouter les sièges des députés centristes (6) à ceux de l'alliance Likoud-Israel Beitenou (31), qu’il a conduite avec son allié Avidgor Libermann. Cependant, pour parvenir à ses fins, Benjamin Netanyahou doit réunir 61 sièges, condition sine qua non pour avoir la majorité à la Knesset, le Parlement israélien.

Selon les médias locaux, le parti centriste Yesh Atid (Un futur existe) de l'ex-vedette de la télévision israélienne Yaïr Lapid, qui, à la surprise générale, a remporté 19 sièges, et le parti nationaliste religieux Bayit Yehudi (Foyer juif), de Naftali Bennett, auréolé de 12 élus et proche des colons, sont sur le point de rallier Benjamin Netanyahou, en échange de plusieurs concessions.
Interrogé par FRANCE 24, Frédéric Encel, politologue spécialiste du Moyen-Orient et auteur de l'"Atlas géopolitique d'Israël", livre son analyse sur la situation politique actuelle de l’État hébreu.
FRANCE 24 : Le Premier ministre Benjamin Netanyahou peut-il échouer à former une coalition gouvernementale ?
Frédéric Encel : Non, un gouvernement conduit par lui verra bientôt le jour, et ce sans le moindre doute. Depuis 1949, les différents Premiers ministres israéliens ont utilisé l’intégralité du temps qui leur est imparti pour former leur cabinet. Benjamin Netanyahou n’est pas confronté à une crise politique, mais plutôt à un problème d’ordre arithmétique qu’il doit résoudre en favorisant telle ou telle force politique pour créer sa coalition. C’est le système électoral qui provoque l’émiettement de la Knesset qui veut cela. Or, la marge de manœuvre de Netanyahou est bien moins étroite qu’au terme des législatives de 2009, où il n’avait la possibilité que de s’allier à des partis ultra-orthodoxes et d’extrême droite.
Cette année, plusieurs combinaisons possibles s’offrent à lui. Et il semble que l’une d’entres elles, qui regrouperait des forces de droite, du centre et du courant nationaliste, est sur le point d’être scellée. Elle réunirait le parti centriste et laïc de Yesh Atid de Yaïr Lapid et le parti nationaliste religieux de Naftali Bennett. À ces derniers s’ajoutent les six députés du parti centriste HaTnouah de Tzipi Livni, qui a déjà donné son accord pour entrer au gouvernement. Quelques autres députés pourront venir s’ajouter à la liste. Ce qui veut dire que pour la première fois depuis une vingtaine d’années, le parti ultra-orthodoxe Shass ne fera pas partie du cabinet.
Le résultat des élections a offert à Yaïr Lapid et Naftali Bennett le rôle de faiseurs de rois de l’arène politique israélienne. Ont-ils intérêt à rejoindre la coalition de Benjamin Netanyahou ?
F.E. : Le résultat obtenu par le centriste Yaïr Lapid l’a rendu incontournable. Il est clairement l’homme fort et son parti sera sans doute, avec le Likoud, le principal pilier de la coalition gouvernementale. Les lois constitutionnelles israéliennes prévoient que si le Premier ministre désigné ne parvient pas à composer son gouvernement, celui qui est arrivé deuxième aux élections, Yaïr Lapid donc, devra à son tour essayer de créer une coalition. Toutefois, ce dernier n’a aucun intérêt à voir échouer Benjamin Netanyahou. Car il n’ignore pas que la classe politique n’est pas prête à lui offrir le poste de Premier ministre. Son intérêt, ainsi que celui de Naftali Bennett, est d’entrer au gouvernement pour capitaliser sur leur popularité actuelle et confirmer leurs aptitudes politiques, car s’ils déçoivent, ils risquent de ne plus jamais rééditer leurs exploits électoraux. Ils disparaîtront de la scène politique, comme ce fût souvent le cas pour les partis centristes. L’histoire israélienne est riche de ce genre de parti qui n’effectue qu’une seule mandature avant de s’effondrer, car les électeurs déçus retournent rapidement au bercail en revotant pour les partis historiques traditionnels. 
Si une telle coalition voit le jour, quelles seraient les conséquences sur le dossier palestinien et sur la question du nucléaire iranien ?
F.E. : Sur le dossier iranien il ne faut s’attendre à aucun changement. Il s’agit d’une question vitale aux yeux de Benjamin Netanyahou, uniquement évoquée au sein du cabinet de sécurité israélien qui regroupe les principaux ministres et les chefs de l’armée et des services de renseignements. En revanche, sur le processus de paix israélo-palestinien, des propositions pourraient être faites pour le raviver. Même si rien ne garantit que le président Mahmoud Abbas les acceptera. La présence de Tzipi Livni, qui a fait campagne sur la relance d'un accord de paix avec les Palestiniens, indique une volonté en ce sens.