logo

Faut-il autoriser l'assistance sexuelle pour les personnes lourdement handicapées ? Le débat porté par l’association Ch(s)ose en France pourrait être relancé mercredi à l’occasion de la sortie du film américain "The Sessions".

Accepteriez-vous de vivre toute une vie sans relation sexuelle alors que vous en éprouvez le désir ? Cette question soulevée dans "The Sessions", un film qui suit la bouleversante histoire d'un homme paralysé qui part à la découverte de sa sexualité, apporte du grain à moudre pour les associations françaises réclamant la légalisation de l’assistance sexuelle.

Le long-métrage, en salle mercredi 6 mars, dépeint la souffrance de Mark O’Brien, un homme paralysé après avoir contracté la poliomyélite à l'âge de six ans. Condamné à rester alité mais refusant une vie d'abstinence, Mark décide, à 38 ans, de perdre sa virginité. Il fait appel à une "sexe-thérapeute" pour l’aider à explorer "comme tout le monde" les plaisirs charnels.

Le film n’a pas manqué d’interpeller l’association française de handicapés Ch(s)ose qui espère profiter de sa sortie pour faire avancer la cause de cette "assistance sexuelle", interdite à ce jour en France car assimilée à une activité de prostitution. Un membre du corps médical qui organiserait une rencontre sexuelle entre un patient et une tierce personne serait accusé de proxénétisme.

"La sexualité est universellement reconnue comme une dimension fondamentale de la personne humaine, nécessaire au plein développement de sa santé, de sa personnalité. Pourtant, force est de constater que certains de nos semblables, en situation de handicap, en sont privés, pour certains à vie !", s’indigne Pascale Ribes, la présidente de l’association. "Le temps est maintenant venu d’instaurer dans notre société le droit effectif des personnes en situation de handicap à vivre leur sexualité."

Vivre une abstinence non choisie

Le 8 février dernier, l’association a franchi un pas supplémentaire dans son combat en adressant une lettre ouverte au président François Hollande pour l’exhorter à respecter son engagement : ouvrir un débat sur le sujet. "À la question ‘Allez-vous autoriser la création de services d’accompagnement sexuel pour les personnes lourdement handicapées ?’ Vous avez répondu [en avril 2012] : ‘C’est un débat difficile (…) Nous ne devons pas aboutir à une solution qui reviendrait à organiser un service de prostitution (…) Nous devrons le mener, regarder ce qui se passe dans les autres pays, sans préjugés’", peut-on lire dans la missive.

Proposition de loi

En 2011, le député UMP Jean-François Chossy avait travaillé sur une proposition de loi concernant les assistants sexuels. "On doit aussi se préoccuper du sort de ces personnes qui sont complètement démunies dans un acte qui est un acte ordinaire de la vie", avait-il plaidé. Il s’était heurté à l’époque à la farouche opposition de la ministre de la Solidarité et de la Cohésion sociale, Roselyne Bachelot, qui estimait que cette activité était une atteinte au droit des femmes...

L’association vient aujourd’hui lui rappeler cette promesse. Alors qu’environ 12 millions de personnes en France souffrent de divers handicaps - dont certains de sévères infirmités - "Faut-il que la sexualité soit seulement réservée à ceux qui ont la chance de pouvoir y avoir accès ?", s’indigne Pascale Ribes qui juge cette discrimination sexuelle intolérable.

"Nous ne demandons pas la légalisation du proxénétisme mais une exception à la loi pénale pour ce type de service", explique-t-elle, avant de rappeler que de nombreux pays européens dont la Suisse, l’Allemagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni autorisent déjà l’assistance sexuelle.

La sexualité pour tous

Dans le milieu médical, plusieurs praticiens soutiennent également le projet de Ch(s)ose. C’est le cas de Philippe Brenot, psychiatre et sexologue, interrogé par France Info. Selon lui, cet accompagnement dans la vie sexuelle des handicapés n’a rien de tabou ni de choquant. Il serait même indispensable à l’amélioration de la qualité de vie des patients.

Ces "assistants" spécialisés recevraient une formation pluridisciplinaire – adaptée aux handicaps les plus lourds - avec de la kinésithérapie, de la sexologie et de la psychologie. "À l'heure où la France reconnaît le mariage pour tous, elle devrait reconnaître la sexualité pour tous, y compris pour les personnes lourdement handicapées", a-t-il plaidé.

Jusqu’à présent, aucun des ministres interpellés par l’association – Marisol Touraine [Affaires sociales], Marie-Arlette Carlotti [Exclusion et personnes handicapées] et Najat Vallaud-Belkacem [Droits des femmes] – n’a reçu les membres de l’association.

Avec dépêches