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Les Suisses invités à voter sur le contrôle des salaires "abusifs" des patrons

Les Helvètes doivent se prononcer dimanche sur la fin des "rémunérations abusives" de leurs patrons. Fruit d'une initiative populaire, cette votation vise à renforcer les droits des actionnaires pour éviter salaires et bonus trop élevés.

Petite révolution en Suisse. Les Helvètes sont appelés aux urnes, dimanche 3 mars, afin de se prononcer sur une mesure qui vise à mettre fin aux salaires dits "abusifs" de certains de leurs patrons. La mesure en question porte le nom d’"initiative Minder", du nom de son instigateur. Car c’est un mouvement citoyen qui est à l’origine de cette votation.

L'initiative populaire est en effet un droit donné aux citoyens suisses de faire une proposition de modification de la loi. Si elle aboutit - elle doit recueillir 100 000 signatures au niveau fédéral dans un délai de 18 mois - elle est alors soumise aux votes des électeurs. C’est le cas du texte proposé dimanche à la votation, qui selon les sondages remporterait 57 % de votes favorables.

Le texte prévoit de renforcer considérablement les droits des actionnaires afin d'empêcher le versement de salaires et de bonus trop élevés, comme les 15 millions de francs suisses (12 millions d'euros) en 2011 pour le patron de Novartis, les 10 millions pour celui de Lindt & Sprüngli, Ernst Tanner, les 12,5 millions pour celui de Roche, Severin Schwan, ou les 11,2 millions pour le patron de Nestlé, Paul Bulcke.

La prime de départ de 72 millions de francs suisses (60 millions d'euros) que le conseil d'administration de Novartis avait prévu pour son futur ex-président Daniel Vasella avait soulevé, la semaine dernière, un véritable tollé, conduisant le patron à renoncer à son parachute doré.

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De même, le texte de Minder prévoit que les patrons ne pourront plus toucher de primes, au moment de l'acquisition d'une société ou de la vente d'un secteur d'activité. Il interdit également les "Golden Hello" et les "Golden Goodbye", soit les primes à l'arrivée d'un cadre dirigeant dans une société, ou au moment de son départ. Enfin, l'initiative prévoit que les membres du conseil d'administration ou les patrons pourraient être envoyés en prison, et payer des amendes égales à six ans de rémunérations, s'ils ne respectent pas ses principales dispositions.

Pour Thomas Minder, qui dirige une PME familiale spécialisée dans les soins buccaux et capillaires, Trybol SA, les dérapages salariaux des grands patrons s'expliquent par l'inaction des conseils d'administration "incapables de contrôler les salaires de la direction", comme il l'a déclaré dans une interview au journal Le Temps.

Au lieu de constituer des réserves, puis de verser un dividende d'au moins 5 % aux actionnaires, comme le prévoit la loi, les conseils d'administration ont accordé des "salaires astronomiques" aux dirigeants, "avant tout le reste". Pour empêcher que de tels abus se poursuivent, Thomas Minder ne voit qu'une solution, donner aux actionnaires le pouvoir de décider des salaires de la direction. Son texte ne concerne que les sociétés cotées en Bourse.

Ferme opposition des autorités suisses au projet

Si le peuple suisse acceptait cette initiative, comme le prévoient les sondages, la Suisse "se doterait du droit de la société anonyme le plus rigide du monde", ont d'ores et déjà averti ses opposants, réunis dans un comité appelé "non à l'initiative Minder".

Ce texte a également été vivement combattu par les autorités suisses, notamment le gouvernement et le Parlement, qui ont mis au point un contre-projet, moins réformateur, mais qui "ne met pas en péril le succès économique de la Suisse". Le contre-projet s'appliquerait à toutes sociétés anonymes suisses, cotées ou non, et donnerait un plus grand pouvoir consultatif aux actionnaires. Thomas Minder a lancé son idée en 2006, et il a fallu attendre sept ans pour que le texte soit présenté aux électeurs, car le Parlement suisse a freiné des quatre fers pour tenter de s'y opposer.

Si le texte de Thomas Minder est adopté, il faudra encore attendre plus d'un an avant sa mise en œuvre. Le gouvernement suisse devra en effet d'abord rédiger un projet de loi respectant les principales dispositions de l'initiative, puis la faire approuver par le Parlement. Faute de majorité, c'est le contre-projet qui entrerait directement en vigueur.
 

France 24 avec dépêches

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