logo

Au nord du Cameroun, la population vit dans la crainte de Boko Haram

Depuis l'enlèvement le 19 février de la famille française, revendiqué par un groupe se réclamant de Boko Haram, la population de l'extrême nord du Cameroun vit dans la peur des exactions islamistes. Reportage.

Gendarmerie de Dabanga. La voiture des Moulin-Fournier, la famille française enlevée le 19 février dans le nord du Cameroun est encore là, sous une simple bâche. Les enquêteurs camerounais, épaulés par des gendarmes français ont passé le véhicule au peigne fin. À l'intérieur, tous les effets personnels sont restés en place. Personne n'y a touché.

L'adjudant chef Haman Mdoudan était de service le jour de l'enlèvement de Tanguy Moulin-Fournier, cadre chez GDF-Suez, de sa femme Albane, de leurs quatre enfants Eloi, Andéol, Maël et Clarence et du frère de la mère de famille, en visite au Cameroun. Pour lui, la part de responsabilité du Nigeria, ne fait aucun doute.

"Le plus proche village est distant de 7 kilomètres. Il n'y aucun policier, il n'y a qu'un seul douanier qui n'a même pas voulu collaborer de peur des représailles", souligne Haman Mdoudan, chef de poste de la gendarmerie de Dabanga. L'État de Borno est dominé a 100 % par les Boko Haram."

"Depuis 10 ans, Boko Haram commet des attentats dans le nord du Nigeria. Avec cet enlèvement, la secte islamiste a prouvé qu'elle était capable d'agir en territoire camerounais", analyse Willy Bracciano, envoyé spécial de FRANCE 24 au Cameroun. "Alors de ce côté de la frontiere, la peur est encore montée d'un cran."

"Les Boko Haram ne sont pas identifiables"

À Fotokol, aux confins de l'extrême nord du Cameroun, non loin du lac Tchad, les exactions de Boko Haram font partie du quotidien. Pour arriver à ce village enclavé, situé à un jet de pierre du Nigeria, il faut deux heures de piste. Côté camerounais, la population vit dans une peur permanente.

"Quelqu'un va au marché et on lui tire dessus(...) et on laisse sa famille en deuil", raconte un habitant de Fotokol, sous couvert d'anonymat. "Le problème c'est que les Boko Haram ne sont pas identifiables. On ne les connaît pas physiquement, mais on voit leurs agissements."

Mais les habitants de Fotokol n'ont pas le choix. L'économie locale dépend presque exclusivement de Gambarou, la ville nigeriane qui leur fait face. Les produits de première nécessité arrivent par la route ou en pirogues. En deux coups de rames, les denrées passent d'un pays à l'autre.

Pourtant, de l'aveu même des autorités locales, se rendre au Nigeria peut parfois s'avérer fatal. "La difficulté, c'est que la ville qui est en face de nous, la ville de Gambarou au Nigeria est de manière permanente installée dans l'insécurité quotidienne", explique Daïrou Bouba, sous-préfet de Fotokol. "Avant janvier et février, il ne se passait pas une semaine sans qu'on abatte deux-trois personnes. C'est Boko Haram qui signe toujours. Quand ils commettent les crimes, ils ne se cachent jamais."

Malgré leurs moyens limités, les forces de sécurité camerounaises sont plus que jamais en alerte. L'exemple de Fotokol est loin d'être un cas isolé sur la frontiere sahélienne qui sépare l'extrême nord du Nigeria. Une frontière qui court sur plusieurs centaines de kilomètres.
 

Tags: Mali, Cameroun,