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Législatives italiennes : le rêve devenu réalité de Beppe Grillo

, envoyé spécial à Rome – Alors que les résultats des législatives font craindre une impasse politique en Italie, l’arrivée au Parlement du Mouvement 5 étoile, le parti du comédien Beppe Grillo, ouvre la voie à une nouvelle ère politique dans la péninsule.

"Nous sommes le parti plus important du pays", ont clamé, lundi 25 février jusque tard dans la nuit, militants et sympathisants du Mouvement 5 étoiles (M5S) de l’ancien humoriste Beppe Grillo, rassemblés devant l’hôtel Saint-John, à Rome, où ils ont suivi l’annonce des résultats des élections générales italiennes.

Mais ils sont bien les seuls à faire la fête. Pendant que les analystes s'inquiètent de l’impasse politique dans laquelle semble s'engager l’Italie - aucune majorité claire ne s’est distinguée au Sénat -, les partisans de Beppe Grillo savourent le score de leur parti qui a remporté environ 25 % des voix dans les deux chambres, devenant ainsi la troisième force politique du pays.

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Le portrait en vidéo de Beppe Grillo
Législatives italiennes : le rêve devenu réalité de Beppe Grillo

Le Mouvement 5 étoiles a décroché 54 élus au Sénat et deux fois plus de députés dans la chambre basse du Parlement, un exploit extraordinaire pour un parti à peine âgé de quatre ans dont les membres n'ont aucune expérience politique - ni ne se considèrent même comme des hommes politiques.

"Déconnectés de la réalité"

"Nous sommes en train de vivre un rêve", confie une "grillini", l'une des militantes du parti, qui regarde les résultats du scrutin sur un écran géant en se moquant du présentateur lorsque ce dernier suggère qu’une alliance entre le centre-gauche de Pier Luigi Bersani et la droite de Silvio Berlusconi pourrait être une solution pour sortir de l’impasse.

Pour Beppe Grillo, un tel rapprochement est inconcevable. "Bersani et Berlusconi sont des bons à rien", avait-il lâché. Le leader du Mouvement 5 étoiles considère, en effet, que la droite et la gauche ne sont que les deux faces d'une même médaille en Italie.

"C’est quand même fou que les autres partis ne nous aient pas vu arriver. Cela montre à quel point ils sont déconnectés de la réalité", confie de son côté Paola Taverna, 44 ans, l'une des nouvelles sénatrices du Mouvement 5 étoiles.

Selon elle, la percée du parti de Grillo n’est pas surprenante. "Pendant des années, les hommes politiques de ce pays sont restés sourds aux problèmes du peuple italien. Ils n’ont servi que leurs propres intérêts, les Italiens en ont marre !"

Alors que la plupart des candidats ont fait campagne sur les plateaux de télévision, le charismatique leader du Mouvement 5 étoiles a sillonné plus de 70 villes et villages à bord d’un camping-car. Une stratégie qui lui a permis de rallier à sa cause des milliers d’Italiens fatigués par les scandales de corruption qui éclaboussent régulièrement le pays en promettant de lutter contre l’austérité et l’euro.

Interdiction de former des alliances avec les autres partis

En dépit de son charisme certain, le comédien n’ira pourtant pas au Parlement, ce qui laisse beaucoup de militants perplexes : sans lui, quelle sera la stratégie du parti ? Réussira-t-il à former un bloc homogène ?

"Grillo n’est pas notre chef, c’est notre porte-parole, le gardien de nos valeurs", ajoute Paola Taverna. Des valeurs strictes, parmi lesquelles figure l’interdiction de former des alliances avec les autres partis. Une intransigeance de la part de la troisième force du pays qui paralyse, dans les faits, l’échiquier politique italien...

Mais avec le temps, les représentants du M5S pourraient se révéler plus souples que leur chef. "Il est inconcevable, dans une démocratie moderne, qu’un parti qui recueille un quart des voix refuse tout débat", s’emporte ainsi Massimo Giannini dans un éditorial du quotidien La Repubblica.

Nouvelles élections ?

La perspective d'une instabilité politique dans le troisème pays de la zone euro provoque également un certain émoi à l'étranger, où beaucoup craignent que le succès du Mouvement 5 étoiles, hostile aux politiques d'austérité, effraie les marchés et relance la crise de la dette européenne.

Si le chef de centre-gauche Bersani a promis d’essayer de former un gouvernement, le sentiment dominant, en Italie, reste que de nouvelles élections sont inévitables à court terme.

"Qu’allons-nous dire à nos partenaires européens ? Que va leur dire Grillo ?", s’est inquiété un fonctionnaire de l’ONU, qui préfère garder l’anonymat.

Mais, devant l’hôtel Saint-John, les militants n’ont que faire de ces appréhensions. "Les Européens doivent écouter le verdict des urnes avant de nous juger", s’emporte Stefano Ambrosi, un militant de 47 ans, qui s'inquiète toutefois du statut de néophyte des "grillini".

"Ils ont l’expérience de la vie réelle, mais aucune de la vie politique. C'est une bonne chose", ajoute Stefano, qui rappelle que le Mouvement 5 étoiles inclut des membres de différents horizons politiques. Et lorsqu’on lui demande, à ce propos, sur quels bancs de l’assemblée les partisans de Grillo préféreraient s’asseoir, le militant botte en touche : "Les connaissant, ils voudront s’asseoir par terre, loin de tous les autres !"