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"Nous avions déjà décelé de la viande de cheval dans certains aliments en 2003"

Pour Eurofins, leader européen de l’analyse des aliments et premier laboratoire à avoir décelé de la viande chevaline en lieu et place du bœuf, le scandale actuel n’est pas une surprise. L’un de ces responsables s'en explique à FRANCE 24.

Ils n’ont jamais été autant sollicités. Depuis le début du scandale de la viande de cheval en Europe, les laboratoires d’analyses d’Eurofins tournent à plein régime.

Cette société franco-allemande basée près de Munich (Bavière, Allemagne) et spécialisée dans les bio-analyses de produits agroalimentaires a été la première entreprise privée à déceler du cheval dans des produits étiquetés comme contenant de la viande de bœuf. Elle avait en effet été mandatée, en décembre 2012, par les autorités sanitaires irlandaises pour mener des tests sur certains produits. Les résultats s'étaient avérés alors positifs, sans qu'ils n'aient été rendus publics à ce moment-là.

Depuis lors, le scandale s’est étendu à une partie de l'Europe et les grandes marques victimes d’une contamination de leurs lasagnes ou autres hachis Parmentier se multiplient. Les autorités britanniques ont, en outre, découvert la semaine dernière que dans certains lots contenant de la viande de cheval il y avait, en plus, du phénylbutazone, un anti-inflammatoire dont l’ingestion pourrait se révéler dangereux pour la santé de l’homme.

Le docteur Bert Poepping, directeur du département biologie moléculaire et

immunologie chez Eurofins, revient pour FRANCE 24 sur ce scandale et le travail qu’effectue actuellement le groupe pour mieux contrôler ce qui arrive dans nos assiettes.

FRANCE 24 : Les aliments censés être à base de bœuf, testés actuellement par Eurofins, contiennent-ils encore de la viande de cheval ?

Bert Poepping : Oui, nous continuons encore à déceler de la viande de cheval à l’heure actuelle. Mais il faut préciser que les lots qui nous sont transmis proviennent surtout de stocks réfrigérés depuis quelque temps et qu’il faudra probablement attendre plusieurs mois pour voir comment les choses évoluent.

FRANCE 24 : La révélation de présence de viande de cheval à la place du bœuf dans certains plats vous a-t-elle surpris ?

B.P. : Non. Déjà en 2003, les autorités britanniques nous avaient demandé d’analyser des saucissons en provenance de pays du Sud pour rechercher de la viande de cheval. Et déjà à cette époque nous en avions trouvé. En revanche, l’ampleur du scandale actuel est davantage surprenant et prouve combien la chaîne de la viande est devenue compliquée, ce qui multiplie les risques que de la viande de cheval soit intégrée dans les aliments.

FRANCE 24 : Êtes-vous sollicités par de nouveaux clients ?

B.P.: Nos clients sont essentiellement des sociétés privées, plus précisément des producteurs de plats cuisinés ou des enseignes. La plupart ne se satisfont plus de la documentation qui leur est remise lors de la réception des aliments. En outre, nos clients traditionnels nous demandent dorénavant davantage de tests.

FRANCE 24 : Comment se déroulent les analyses que vous effectuez ?

B.P. : Les clients nous transmettent les échantillons qu’ils veulent voir tester et nous indiquent ce que nous devons rechercher. Nous pouvons leur recommander de faire des tests supplémentaires, mais au final, ce sont eux qui décident.

Ensuite nous effectuons des analyses d’ADN très précises, similaires à ce qui se fait pour établir la paternité ou pour savoir à qui appartiennent les traces laissées par un cambrioleur. Nous pouvons fournir des résultats en 24 heures.

FRANCE 24 : Vous demande-t-on de chercher d’autres choses que de la viande de cheval actuellement ? Il y a notamment eu des rumeurs autour de viande d’âne...

B.P.: Pour l’instant, nous n’avons pas décelé de viande d’âne dans les aliments que nous avons testés. À la lumière de ce qui se passe actuellement, certains fabricants qui fournissent des aliments à des minorités, notamment religieuses, nous demandent aussi de vérifier s’il n’y a pas du porc dans certains plats qui ne doivent pas en contenir. Et nous avons, en effet, parfois trouvé des traces de porc, mais essentiellement dans de faibles proportions. Contrairement aux plats où la présence de viande de cheval va d'environ 10 % à 100 %.

FRANCE 24 : Les autorités britanniques ont affirmé avoir découvert du phénylbutazone dans certains lots contenant de la viande de cheval. Testez-vous aussi des aliments pour trouver des traces de ces médicaments ?

B.P. : Oui, nous pouvons le faire et la demande pour ce genre d’analyse a augmenté depuis les dernières révélations [des traces de cet anti-douleur, qui ne doit pas être administré à des chevaux destinés à la consommation humaine, ont été trouvées en Grande-Bretagne, NDLR]. Aucun des tests que nous avons menés n’en a encore décelé.

FRANCE 24 : Vous voulez dire que ce test n'est pas obligatoire, même si ce médicament peut se révéler dangereux ?

B.P.: Je ne peux pas me prononcer sur la dangerosité pour l’homme. Nous pouvons recommander de faire des tests, mais ce sont les clients qui décident s’ils veulent que nous en recherchions des traces. Pour que ce soit obligatoire, il faudrait une décision des instances sanitaires européennes.

FRANCE 24 : Vous aviez été mandaté par les autorités irlandaises en décembre 2012 pour rechercher des traces de viande de cheval. Pourquoi les résultats ont-ils été rendus publics si tardivement ?

B.P. : Nous avions travaillé en étroite collaboration avec les autorités irlandaises à l’époque et leur avions fourni nos conclusions. Il faut ensuite voir avec eux pour savoir pourquoi ces résultats n’ont pas été rendus publics auparavant.