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Le patron du groupe de pneumatiques américain, Maurice M. Taylor, a créé la polémique en rédigeant une lettre incisive à Arnaud Montebourg concernant la reprise de Goodyear. L’homme d’affaires est coutumier de ce style "corrosif".

C’est une lettre qui fait grand bruit. Le PDG du groupe Titan international a adressé un courrier daté du 8 février à Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, pour couper court aux interminables discussions quant à la reprise de l'usine Goodyear d'Amiens, menacée de fermeture. Une lettre "au vitriol", "assassine", "violente", estime la presse, qui révèle bien le style abrasif de son auteur, Maurice "Morry" Taylor Jr.

Montebourg contre-attaque

Arnaud Montebourg a, à son tour, pris la plume pour répondre au dirigeant : "Vos propos aussi extrémistes qu'insultants témoignent d'une ignorance parfaite de ce qu'est notre pays", a asséné le ministre du redressement productif dans une missive rendue publique mercredi.

Qualifiant les propos de Maurice Taylor d'"aussi ridicules que désobligeants", Arnaud Montebourg n’a pas hésité à tacler Titan : "Puis-je vous rappeler que l'entreprise que vous dirigez est 20 fois plus petite que Michelin, notre leader technologique français à rayonnement international, et 35 fois moins rentable ?"

Et de conclure par une mise en garde claire : "Soyez assuré de pouvoir compter sur moi pour faire surveiller par les services compétents du gouvernement français avec un zèle redoublé vos pneus d'importation. Ils veilleront tout particulièrement au respect des normes applicables en matière sociale, environnementale et technique".

Son côté impitoyable dans les affaires, son discours franc et incisif ainsi que son physique charismatique lui ont valu le surnom de "grizzly" à Wall Street. Une forte personnalité et un sobriquet que Maurice M. Taylor, âgé de 69 ans, revendique au point de faire du grizzly l’emblème de Titan, la petite société industrielle rachetée en 1993 qu’il a réussi à redresser pour en faire un producteur mondial de pneumatiques en rachetant des entreprises en difficultés.

"Corrosif"

Le PDG de cette société basée dans l’Illinois a également fait de sa provocation et de son patriotisme son fond de commerce en se mettant en scène dans des publicités pour vanter les mérites de ses produits 100 % américains. D’un style toujours très direct, il en profite pour égratigner ses concurrents Michelin et Firestone.

Touche-à-tout, Maurice M. Taylor a aussi essayé de s’imposer en politique en se présentant à l'investiture républicaine pour l'élection présidentielle de 1996. Son programme affirmait que les États-Unis avaient besoin d’être dirigés par un entrepreneur. À l’époque, il se définissait déjà comme "corrosif" en réalisant des spots de campagne attaquant les politiques et se moquant des Japonais.

"Les politiciens, ils veulent que vous les aimiez. Moi, je m’en fiche si les gens m’apprécient. Je veux juste qu’ils disent ‘je respecte cet homme car il a fait le boulot”, avait-il également déclaré. Mais son franc parler n’aura, cette fois-ci, pas le succès escompté : il ne récolte qu’1 % des voix, laissant Bob Dole représenter les Républicains face à Bill Clinton.

"Tort sur la forme, pas sur le fond"

Son style n’a pas non plus fait l’unanimité en France. Son courrier, dans lequel il pointe du doigt "un syndicat fou" et des ouvriers qui "discutent pendant trois heures et travaillent trois heures", a suscité de vives critiques. Très impliqué dans les négociations pour la reprise de l’entreprise, le responsable CGT Goodyear d'Amiens-nord, Mickael Wamen, a qualifié Taylor de "déficient mental" sur France Info, en affirmant que sa lettre "insulte le peuple français".

Goodyear a annoncé, à la fin du mois de janvier, que l'usine d'Amiens-Nord allait fermer, menaçant 1 173 postes, affirmant que cette fermeture était "la seule option possible après cinq années de négociations infructueuses". La CGT avait été accusée de porter une part de responsabilité dans le projet de fermeture du site.

Les politiques ont réagi à cette lettre, qui dénonce les méthodes de production française, avec beaucoup de nuances. La ministre des Sports, Valérie Fourneyron, a indiqué, dans l’émission La Matinale de Canal + : "Ils ont tort sur la forme mais je les comprends sur le fond." Rapidement, elle est revenue sur ses propos pour affirmer sur son compte Twitter : "Pas d'ambigüité sur ma position : le PDG de #Titan a tenu des propos inacceptables. À 100 % avec @montebourg sur ce dossier."

Sur LCI, Bernard Accoyer, ancien président de l'Assemblée nationale, a évoqué "la responsabilité de certains syndicalistes extrémistes, jusqu'au-boutistes" dans le destin de l'usine Goodyear. "Souvenons-nous de ce que la CGT a fait des ports français", a-t-il souligné, évoquant une "destruction".