Malgré les critiques qu'il suscite, le procès post-mortem de Sergueï Magnitski, poursuivi pour fraude fiscale s'est ouvert lundi à Moscou. Retour sur une affaire qui envenime depuis plusieurs années les relations entre les États-Unis et la Russie.
Le procès de Sergueï Magnitski, poursuivi pour fraude fiscale, s’est ouvert à Moscou lundi 11 mars. Mais l’accusé ne sera pas présent. Et pour cause : il est mort il y a trois ans. L’homme n’était qu’un simple juriste, mais son histoire se trouve aujourd’hui au cœur d’un vaste conflit diplomatique entre la Russie et les États-Unis.
Pour en comprendre la raison, il faut remonter à novembre 2008, quand les autorités russes arrêtent Sergueï Magnitski. Le jeune avocat vient de révéler au grand jour une vaste machination financière de 5,4 milliards de roubles - 130 millions d'euros - ourdie, selon lui, par des responsables de la police et du fisc au détriment de son employeur, le fonds d’investissement américain Hermitage Capital, ainsi que de l'État russe.
Placé en détention provisoire dans la prison de Matrosskaya Tishina, il est retrouvé mort onze mois plus tard. Selon la version officielle des autorités russes, l’avocat, alors âgé de 37 ans, a succombé à une crise cardiaque. Mais nombre d’associations de défense des droits de l’Homme, affirment que Sergueï Magnitski est mort à la suite de tortures et de mauvais traitement subis en détention.
"Juste après avoir témoigné contre des responsables officiels de la police et du fisc, Sergueï Magnitski a été arrêté et placé en détention provisoire par ces mêmes personnes", dénonçait William Browder, président du fonds d'investissement Hermitage Capital et ami de Magnitski, dans un entretien accordé en février à FRANCE 24. "Quatre études indépendantes ont toutes conclu de manière claire et définitive qu’il était mort des suites de tortures et mauvais traitement", poursuivait-il en réponse à la version des autorités russes.
Vives tensions diplomatiques entre Washington et Moscou
Depuis, Magnitski est devenu l’une des icônes des organisations de défense des droits de l’Homme en Russie. Sa mort est également à l’origine de vives tensions entre Moscou et Washington. Nombre de personnes acquises à sa cause militent auprès des gouvernements occidentaux pour faire connaître son cas et faire adopter la fameuse "liste Magnitski".
Sur ce document figurent les noms de 60 responsables russes soupçonnés d’être impliqués dans la mort de l’avocat ou dans d’autres violations des droits de l’Homme, mais jamais inquiétés dans leur pays. Le 4 décembre 2012 le Congrès américain a adopté une loi leur interdisant l’accès au territoire américain et prévoyant la saisie de leurs biens.
Furieuses, les autorités russes ont à leur tour dressé une liste de 11 Américains, décrétés personæ non gratæ en Russie. Ils se seraient eux aussi, selon Moscou, rendus coupables de violations des droits de l’Homme. Il s’agirait "notamment de personnes ayant infligé ou couvert des tortures dans les prisons de Guantanamo, de Bagram et d'Abou-Ghraib", selon l’agence russe Ria Novosti. Le 21 décembre dernier, le Parlement russe a enfoncé le clou en votant une loi interdisant l’adoption d’enfants russes par des Américains. Le texte évoque le nom de Dima Iakovlev, une fillette russe morte aux États-Unis en 2008 après avoir été oubliée par son père adoptif américain dans une voiture.
En promulguant le texte, le président russe Vladimir Poutine a estimé qu'il s'agissait d'une réaction "appropriée" à la "liste Magnitski".