
Si à Paris, le débat autour du mariage de personnes du même sexe s'enflamme, à Londres aussi, le projet de loi en faveur du mariage gay – en passe d’être adopté – laisse place à des joutes verbales qui dérapent parfois.
Il n’y a pas qu’en France que l’on s’empaille autour du mariage gay. Alors que les débats s’enflamment quotidiennement dans l’Hémicycle parisien entre partisans et détracteurs de la loi, les passes d’armes houleuses et les dérapages verbaux autour de l’union de personnes de même sexe ne font pas exception à la Chambre des communes, de l’autre côté de la Manche.
Certes, dans la capitale britannique, les citoyens anglais n’envahissent pas les rues pour défendre leurs opinions… Mais entre parlementaires britanniques, les joutes verbales ne sont pas rares. Il faut dire que le projet de loi – soutenu par une partie des conservateurs et qui devrait être adopté sans encombre mardi - est en train de profondément diviser le camp des Tories. On y trouve, d'un côté, le Premier ministre David Cameron et ses partisans, persuadés que l'adoption de ce projet donnera une "image branchée et moderne" favorable aux conservateurs. Et de l'autre, une centaine de députés du même camp, inquiets à l'idée que le mariage entre personnes du même sexe, ne déstabilise les militants et ne signe la défaite des conservateurs aux élections de 2015.
"Les parents ne souhaitent pas avoir des enfants homosexuels"
"Nous allons perdre un très grand nombre de militants fidèles qui ont fait campagne pour nous toutes ces années mais qui n’aiment pas cette idée [de mariage entre personnes de même sexe]. D’un point de vue politique, elle est complètement folle", s’est emporté, en décembre, le député conservateur David Davies dans une interview à la BBC. Quelques minutes plus tard, ce même député lâche subitement : "Soyons honnêtes, la plupart des parents ne souhaitent pas avoir des enfants homosexuels".
Sans surprise, la phrase fait couler beaucoup d'encre. Mais pour seule réponse face à la levée de boucliers des militants pro-mariage gay, le député s’est simplement fendu d’un tweet : "Activistes, calmez- vous, écoutez le point de vue des autres".
it
L'Institut de sondage ComRes pour le compte du Daily Telegraph révèle que, sur un échantillon de 2 000 personnes interrogées ayant assuré avoir voté Tories en 2010, 20% étaient prêts à ne pas voter pour eux aux prochaines législatives "si le gouvernement légalisait le mariage entre personnes du même sexe".
"Promouvoir les valeurs chrétiennes au sein du Parlement"
Certains parlementaires britanniques ont également frôlé l’apoplexie en apprenant que le projet de loi permettait aux diverses Églises du pays d’avoir le choix de célébrer ou non des unions homosexuelles religieuses - à l'exception de l'Église anglicane majoritaire dans le pays, au sein de laquelle ces célébrations resteront illégales.
C’est le cas du député Bob Blackman qui, sûrement emporté par l’ambiance fiévreuse des débats, a provoqué l’ire des travaillistes en assimilant d’un peu trop près les affaires de l’État et la sphère religieuse. Ce dernier a en effet estimé qu’avec la légalisation du mariage gay, "il serait difficile de promouvoir les valeurs chrétiennes au sein du Parlement."
Ce député avait déjà fait parler de lui au mois de décembre après avoir suggéré à David Cameron de "ressusciter" la "Section 28", un projet d’amendement enterré sous l’ère Thatcher, en 1988, qui "interdisait la promotion de l’homosexualité". Ironie de l’histoire, Bob Blackman, visiblement attaché aux valeurs du mariage traditionnel, a été éclaboussé par un scandale d’adultère en 2012…
"Nous interdisons bien les mariages entre frères et sœurs"
Mais le dérapage le plus retentissant revient assurément au député Philip Hammond, également ministre de la Défense. Ce conservateur n’a pas hésité à assimiler mariage gay et inceste lors d’une rencontre étudiante, vendredi 25 janvier. "Quand j’ai demandé au député de quel droit l’État pouvait empêcher deux personnes qui s’aimaient de se marier, il m’a répondu : ‘Eh bien, nous interdisons bien les mariages entre frères et sœurs", a raconté l’étudiant Jack Saffery-Rowe. Des propos réfutés par le ministre de la Défense mais jugés "ignobles et dégoûtants" par le député travailliste Ben Bradshaw.
Au Royaume-Uni, les couples du même sexe bénéficient d’un partenariat civil depuis 2005 et ont déjà le droit d’adopter des enfants. La pratique des mères porteuses est également légale, à condition qu’elles ne soient pas rémunérées.