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Antigua-et-Barbuda, futur havre pour téléchargeurs invétérés ?

Très remontée contre les États-Unis, l’île d’Antigua-et-Barbuda serait sur le point de lancer un site pour télécharger films, livres, musiques et autres produits américains sans payer les droits d’auteur. Elle juge que l'OMC lui en donne le droit.

Vengeance ou moyen de pression contre les États-Unis ? Antigua-et-Barbuda s’apprêterait à lancer une offensive contre l’un des chevaux de bataille les plus chers aux entreprises américaines : le droit d’auteur. Selon le site américain spécialisé dans le téléchargement Torrentfreak, la petite île des Antilles devrait bientôt mettre en ligne un site où il sera possible de télécharger - contre un modeste abonnement mensuel -  films, musiques et autres programmes informatiques américains en toute légalité... Du moins d’après les autorités de ce pays.

“Rien ni personne ne peut nous empêcher de faire ça”, a assuré à Torrentfreak Mark Mendel, le procureur d’Antigua-et-Barbuda, sans pour autant vouloir rentrer dans les détails de ce Megaupload national. Antigua-et-Barbuda s’apprête d’ailleurs à soumettre ce projet à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) lundi 28 janvier, selon le site de la chaîne de télévision britannique BBC.

Difficile à croire ? Pourtant, l’OMC pourrait donner son aval à un tel site présenté officiellement comme permettant de pirater des œuvres américaines protégées par le droit d’auteur... À condition qu’il soit mis en place par Antigua-et-Barbuda. L’île a en effet obtenu en 2007 un beau cadeau de l’OMC. L’organisation avait alors autorisé ce petit pays à ne pas payer de droits d’auteur américains à hauteur de 21 millions de dollars par an. Certes, elle ne pensait probablement pas qu’Antigua-et-Barbuda s’en revendiquerait pour se transformer en havre pour téléchargeurs invétérés, mais, pour Mark Mendel, la décision de 2007 “vaut approbation de l’OMC” de son projet.

Ce portail de téléchargement qui serait, d’après Torrentfreak, en gestation depuis plusieurs mois ressemble en fait à une vengeance longuement mûrie. L’île juge en effet les États-Unis responsables de l’effondrement de tout un pan de son économie : le pari à distance (en ligne et par téléphone). Au début des années 2000, Washington avait interdit aux sociétés de pari d’Antigua-et-Barbuda de proposer leurs services à des clients américains.

Les États-Unis pas contents

Conséquence directe : un secteur qui, à la fin des années 1990, rapportait 7,1 millions de dollars annuels à l’État, représentait 10 % du PIB et offrait du travail à 3000 personnes a quasiment disparu de la surface de l’île. En 2003, lorsque le petit pays saisit l’OMC de cette querelle commerciale, le secteur n’emploie plus que 500 personnes et ne génère plus qu’1,1 million de dollars.

La bataille qui a duré quatre ans devant l’Organisation mondiale du commerce s’est achevée par une victoire du David d’Antigua-et-Barbuda contre le Goliath américain, condamné pour entrave aux règles internationales du libre-échange. C’est au terme de cette procédure que l’OMC a accordé cette autorisation de suspendre le versement de droits d’auteur aux États-Unis, décision à l’origine du projet de site de piratage.

Une initiative prise au sérieux par les États-Unis. Dans une lettre remise à l’OMC, les autorités américaines ont condamné ce projet de “piratage sanctionné par un État” et préviennent qu’une telle initiative “ne serait pas dans l’intérêt d’Antigua-et-Barbuda”. Une menace à peine voilée pour ce petit État dont l’économie doit beaucoup aux États-Unis.

L’île a d’ailleurs conscience de cette situation de dépendance. Elle avait déjà menacé, en 2008, d’ouvrir ses ports aux téléchargeurs de tous les pays sans passer à l’acte, comme le rappelle le site français spécialisé dans les nouveaux médias Numérama. L’arme du nouveau site pourrait aussi bien servir dans les négociations pour obtenir des États-Unis qu’ils paient une compensation financière suite à l'effondrement du secteur du pari en ligne.

Tags: Piratage, Internet,