
La maison-mère française et la filiale américaine de la célèbre marque de jeux vidéo Atari ont déposé le bilan lundi 21 janvier. Un point (presque) final à une saga qui a marqué l’histoire vidéoludique.
Six mois après avoir fêté les 40 ans de son jeu phare “Pong”, Atari a un pied et demi dans la tombe. L’emblématique éditeur de jeux vidéo s'est placé, lundi 21 janvier, sous la protection du droit des faillites aux États-Unis et en France. Ce sont les filiales américaines du groupe (Atari Inc., Atari Interactive Inc., Humongous Inc. et California US Holdings) qui ont, les premières, décidé de se rendre à l’évidence : impossible de travailler sur des nouveaux projets de jeux sans argent dans les caisses. Dans la foulée, la maison-mère française d’Atari s’est à son tour résignée à déposer le bilan devant le Tribunal de commerce de Paris.
Aux États-Unis, ces sont les Français qui sont pointés du doigt. Dans le communiqué annonçant la décision de se placer sous la protection du droit des faillites, Atari Inc. rappelle que ses activités dégagent des profits depuis deux ans. Mais la maison-mère n’en finit pas de perdre de l’argent. Surtout, elle n’a pas réussi à lever de nouveaux fonds pour rembourser une dette de 21 millions de dollars qui arrive à échéance en mars 2013.
Les Américains comptent désormais vendre tout ce qu’ils peuvent de leur catalogue de jeux et de se dégager de la tutelle française. Ils espèrent ainsi repartir de plus belle à l’assaut du monde merveilleux des jeux sur mobile qui sont devenus leur spécialité et ont permis à Atari Inc. de dégager un modeste bénéfice de 4 millions de dollars en 2012.
Victime de la bulle Internet
Cette course au sauve-qui-peut marque le point d’orgue d’une lente agonie qui dure depuis le début des années 2000. Une tumultueuse saga qui a désespéré les fans de cette marque pourtant pionnière du secteur - avec des jeux comme "Pong" ou "Asteroïd" - et l’une des premières à avoir proposé, avec l’Atari 2600 en 1977, une console de jeux vidéo pour le grand public.
Mais ce ne sont pas tant les mauvaises ventes des jeux ou plus précisément l’absence de titres majeurs au catalogue de l’éditeur depuis des années qui ont scellé le sort d’Atari. En fait, après avoir lutté pendant une décennie, le groupe apparaît comme l’une des dernières victimes de l’explosion de la bulle Internet du début du XXIe siècle.
Lorsque la société française Infogrames rachète Atari en 2001, son PDG, Bruno Bonnell, fait un pari qui lui semble sûr. Il paie près de 50 millions de dollars pour l’illustre marque grâce à une émission d’obligations gagées sur le cours de l’action en Bourse du groupe français. Sa société n'affiche-t-elle pas alors un chiffre d'affaires de plus de 700 millions d'euros ? Mais la bulle Internet fait pschitt peu après. Bruno Bonnell, qui avait racheté plusieurs entreprises en plus d’Atari, se retrouve alors avec une dette qu’il va traîner jusqu’à son éviction d’Infogrames/Atari en 2007.
Des salaires mirobolants
Jim Wilson, qui prend la place de l’entrepreneur français en 2008, ne réussit pas à retourner la situation. En 2012, Atari n’est plus qu’une minuscule ombre du géant de naguère. Il fait péniblement 40 millions d’euros de chiffre d’affaires, et voit ses effectifs passer de plus de 1 000 employés au début de l’aventure Infogrames/Atari à quelques dizaines en 2012.
Comme si cette fonte des neiges vidéoludiques ne suffisait pas, Atari fait également face depuis avril 2012 à une fronde de certains actionnaires. Ils accusent la direction de s’enrichir sur le dos d’une société qui ressemble plus à une PME qu’à une multinationale. Les salaires peuvent étonner. Jim Wilson gagnerait, d’après la plainte pour abus de biens sociaux d’un des petits porteurs, plus de 700 000 euros par an tandis que Frank Dangeard, un administrateur indépendant, toucherait plus de 300 000 euros.
“Ces rémunérations ont été approuvées par le conseil d’administration. Par ailleurs, Atari est une société basée aux États-Unis et nous devons proposer des compensations financières équivalentes à celles de nos concurrents si nous voulons garder nos talents”, s’était défendu Jim Wilson en octobre 2012. Des talents qui n’auront, malgré les rémunérations, pas suffi pour éviter à Atari de siffler la fin de partie.