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Le 14 décembre, la fusillade de Newtown touchait l'Amérique en plein cœur. Ce jour-là, dans une école élémentaire, un jeune de 20 ans abattait vingt écoliers et six professeurs avec une arme de guerre. Ce massacre a relancé le débat sur le contrôle des armes à feu aux États-Unis. Notre reporter a enquêté.

Arrivé au Colorado, le décor est planté. Les grands espaces, les montagnes vertigineuses… et sur la route de l'aéroport, un panneau : "Tanner Gun Show". Une foire aux armes tristement célèbre pour avoir vendu des armes semi-automatiques ayant servi dans l'une des plus grandes tragédies américaines des dernières années : Columbine.

C'était il y a quinze ans, un matin d'avril. Deux lycéens abattaient douze de leurs camarades et un professeur. Et puis l'histoire s’est répétée à quelques kilomètres de là. L'été dernier, un jeune garçon a pris d'assaut une salle de cinéma armé d'un fusil semi-automatique. Bilan : 12 morts et 58 blessés.

Le spectre de la fusillade plane sur le Colorado. L'État est connu pour son "progressime" en matière d'armes. En juillet, il est devenu le premier à obliger les universités publiques à autoriser le port armes dans l'enceinte des établissements. Seize universités sont concernées.

En arrivant sur le campus de Boulder, je m'attends à assister à un débat, j'imagine des étudiants en colère contre cette loi. Pas du tout. Première surprise : une partie des étudiants ne semble même pas être au courant de la loi entrée en vigueur l’été dernier… Les autres, quant à eux, l'encouragent.

Je rencontre Katherine, 26 ans, étudiante en droit, polyglotte et végétarienne. Pour elle, il est important de distinguer "les affolés de la gâchette" des militants du port d'arme "dissimulé". À force d’insistance, elle finit par accepter de montrer son arme. Quand elle n'est pas dans son sac, elle la cache dans une gaine qui monte jusque dans le dos. La jeune étudiante porte un petit pistolet de la taille d’un Smartphone, toujours chargé de six balles.

"Background check"

Mais c'est dans les armureries que j'ai fait des découvertes surprenantes. Étalées sur les murs, des dizaines de fusils, catégorie snipers ou semi-automatiques. J'imagine que le processus pour obtenir une telle arme est complexe, qu'il faut passer un permis et prouver sa stabilité mentale. Après tout, ces armes peuvent tirer jusqu'à 60 cartouches par minute. Dans toutes les armureries, on m'affirme d’ailleurs que, pour obtenir ces fusils, il faut effectuer un "background check".

En réalité, je découvre que ce processus consiste en une simple demande d'extrait de casier judiciaire. Le permis, même s'il est conseillé, n'est pas obligatoire pour acheter une arme de guerre. Pire encore : je découvre que ce système ne prend pas en compte les internements psychiatriques ! C'est ainsi que le tueur de Virginia Tech a pu se procurer des armes en toute légalité...

Résignation face à la violence

Direction la Virginie, à la rencontre de Joe et de Mona Samaha. Ils habitent dans une banlieue aisée de la côte est des États-Unis, avec ses jardins et ses maisons coquettes. Dans l'entrée de leur maison trône une photographie géante de leur fille Reema, morte dans la tuerie de Virginia Tech.

Mona raconte qu'elle n'imaginait pas un instant que sa fille puisse figurer sur la liste des victimes. Les armes et ses drames semblaient appartenir à une autre Amérique que la sienne.

Cinq ans plus tard, la famille Samaha dresse un triste constat : plus les fusillades se succèdent, plus les armes gagnent du terrain aux États-Unis. C'est finalement l'un des aspects les plus marquants de ce reportage : cette résignation face à la violence. Et cette certitude qui habite tous les Américains : dans une semaine, un mois ou dix ans, une nouvelle tuerie traumatisera le pays.
 

Un reportage de Rayan Hindi et Stéphanie Brillant.