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Taxation à 75 % : quand le gouvernement s'emmêle les pinceaux

Les déclarations divergentes entre les ministres français de l'Économie et du Budget sur la très controversée taxe à 75 % des hauts revenus n'ont pas manqué de faire réagir l'opposition.

Retoquée le 29 décembre par le Conseil constitutionnel, la mesure sur la taxe à 75 % des hauts revenus, chère au président français, François Hollande, n’en finit plus de faire couler de l’encre. Interrogé sur France Inter, le ministre des Finances, Pierre Moscovici, a annoncé le 6 janvier opter pour "une taxation exceptionnelle, temporaire", fidèle à la volonté présidentielle. Dans la même journée, Jérôme Cahuzac, le ministre délégué au Budget, a plaidé de son côté en faveur d’une disposition "pérenne". Si François Hollande avait accueilli la nouvelle de la censure avec "sérénité", les divergences gouvernementales pourraient avoir raison de son calme.

"Couacophonie" au gouvernement, l’opposition jubile

Face aux discours discordants, l’opposition n’a pas manqué de réagir. "Pour Cahuzac, il s'agit d'une disposition pérenne, pour Moscovici d'une taxation exceptionnelle... Y a-t-il un pilote dans l'avion ?" s’interroge sur Twitter Valérie Debord, députée UMP de Meurthe-et-Moselle. Sur le même réseau social, Valérie Boyer, députée des Bouches du Rhône, fustige l’"effondrement d'un argumentaire au service d'une imposture".

François Bayrou, président du Modem, a déploré, lundi, dans les Échos, un futur dispositif "mi-chèvre, mi-chou pour faire semblant". De son côté, Laurent Wauquiez, député UMP de la Haute-Loire, a reproché, dimanche, au gouvernement de "persister dans son erreur" en lui demandant de "mesurer la quantité d'évasion fiscale et de fuite des talents dont est aujourd'hui victime la France". Valérie Pécresse a, pour sa part, qualifié la taxe "d’overdose fiscale".

Mesure temporaire ou pérenne ? "Il n'y a pas eu de contradiction sur le fond au sein du gouvernement", assure Harlem Désir, premier secrétaire du Parti socialiste (PS), soucieux d’effacer les divergences de deux ministres devant les caméras de BFMTV, lundi 7 janvier. Et d’ajouter : "la loi sera réécrite [...] avant la fin de cette année". Quant à la durée de son application, cela se fera de "façon exceptionnelle pour une durée de l'agenda du redressement des comptes publics".

Des divergences plus profondes

Les désaccords entre les socialistes sur la mesure ne portent pas uniquement sur la temporalité. L’ajustement du taux, la cible et même le nom sont autant de points sur lesquels députés et ministres n’ont pas encore trouvé de consensus.

Pour Christian Eckert, le rapporteur du budget du PS, réduire le taux de la taxe à 70 % ou la conserver à 75 % en la faisant porter sur le foyer fiscal, comme le suggère le Conseil constitutionnel, présente des risques juridiques trop élevés. Selon lui, il faut cibler les entreprises versant de hauts salaires. "Il y a une négociation en cours sur l'emploi qui aboutira sans doute à une loi. On pourrait y ajouter des mesures sur les salaires", assure t-il dans les colonnes du site des Échos. "On pourrait, par exemple, réduire les allégements de charges pour les entreprises qui versent des salaires de plus de 1 million d'euros ou les amputer du crédit d'impôt." Un dispositif complexe qui n’a, pour l’heure, pas emporté pas l'adhésion chez les socialistes.

Un projet mort-né ?

Pour Bruno Le Roux, le président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, "il ne faut pas faire de fétichisme sur le taux de 75 %. Je suis plus attaché à la taxe qu'au taux." Il ajoute en revanche que "passer par les entreprises risque de brouiller le message. La logique des écarts de rémunération dans l'entreprise est différente et mérite une réflexion à elle seule."

Les détracteurs de la mesure rappellent que la taxe, dans son état actuel, ne concerne que 2 000 foyers fiscaux, ce qui représente entre 300 à 500 millions d’euros de recettes pour l'État. Une somme symbolique quand on sait que la dette de la France s'élève à plus de 1 800 milliards d'euros. Le ministre du Budget lui-même peine d'ailleurs à convaincre du bien-fondé du dispositif. La journaliste Anna Cabana a rapporté, lundi, sur le Point.fr que Jérôme Cahuzac n’a pas une seule fois démenti les allégations des journalistes d’Europe 1 selon lesquelles "il ne croyait pas à la mesure".