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Aux portes de la capitale centrafricaine, les insurgés menacent de marcher sur Bangui. Dimanche, le président François Bozizé a pourtant accepté de participer à des négociations et proposé la formation d’un gouvernement d’union nationale.

Aux portes de Bangui depuis cinq jours, la coaltion de rebelles centrafricains Séléka a, lundi 31 décembre, menacé de marcher sur Bangui, la capitale, accusant le régime d’exactions sur les populations civiles et sur les proches des insurgés. Évoquant "l’extrême gravité de la situation humanitaire à Bangui", elle a affirmé, par la voix de son porte-parole, Éric Massi, que "Bozizé [avait] distribué machettes et kalachnikov neuves à ses milices d’autodéfense". L’Union africaine (UA) a immédiatement répondu qu’elle sanctionnerait la Séléka et qu’elle suspendrait le pays de son organisation si la rébellion venait à prendre le pouvoir.

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Sarah Sakho, correspondante de RFI en Centrafrique

"Nous en appelons aux forces africaines de maintien de la paix pour qu’elles interviennent immédiatement dans la capitale pour faire cesser les exactions et assassinats de prisonniers, ou qu’elles ne nous empêchent pas de le faire", a déclaré Éric Massi, joint au téléphone par l’AFP. La Force multinationale d’Afrique centrale (Fomac) s’est déployée autour de la capitale pour s’interposer en cas d’attaque des rebelles. Les organisations de défense des droits de l’Homme ont affirmé qu’elles enquêtaient sur des affaires d’enlèvements dénoncées par la Séléka.

Bozizé prêt à négocier

Pour l’heure à Bangui, le calme règne. "Sur le plan militaire, chacun conserve ses positions, témoigne Sarah Sakho, correspondante de RFI en Centrafrique. La Séléka est toujours à Sibut, à moins de 200 km de la ville de Bangui, tandis que les forces loyalistes et la Fomac se trouvent toujours à Damara, dernier verrou avant la capitale". Lundi, les rues de la ville ont retrouvé un peu de leur animation habituelle. Devant les banques, les files d’attente d'employés venus retirer leur salaire s’allongent. Mais malgré cette tranquillité apparente, l’inquiétude domine dans la capitale quadrillée par des soldats de la Fomac.

Dimanche, une résolution de la crise semblait pourtant se profiler. Acculé par les rebelles qui contrôlent une large partie du pays, et de plus en plus isolé sur la scène internationale, le président centrafricain, François Bozizé a accepté le principe de pourparlers sans condition, il a promis de ne pas se porter candidat à la présidentielle en 2016 et a proposé d’intégrer des membres de la rébellion à son gouvernement. "Nous serons sûrement en mesure de mettre en place un gouvernement d’union nationale pour gérer ce pays qui a tant souffert", a affirmé François Bozizé, dimanche à la presse.

Une proposition balayée d’un revers de la main par les rebelles, qui souhaitent le départ pur et simple de l’actuel chef de l'État. "L’objectif de la Séléka aujourd’hui n’est pas d’entrer dans un gouvernement mais bien de permettre aux Centrafricains d’assumer leurs responsabilités afin de pouvoir conduire le pays sur la voie du développement", a répondu Éric Massi, sur l’antenne de FRANCE 24. "Il ne fait plus aucun doute que la sincérité des promesses de François Bozizé faites à Yayi Boni [le Béninois Thomas Boni Yayi, président en exercice de l’UA, ndlr] n'est pas réelle", a-t-il ajouté.

Paris n’interviendra pas "pour sauver un régime"

Malgré les appels à l'aide de François Bozizé, la France, ancienne puissance coloniale, refuse d’intervenir "pour sauver un régime". Paris a cependant envoyé 350 soldats supplémentaires à Bangui, qui s’ajoutent aux 250 hommes déjà sur place, pour assurer la sécurité des ressortissants européens dans le pays, et permettre leur rapatriement en cas de détérioration de la situation. Lundi, le président français, François Hollande, s’est entretenu au téléphone avec son homologue centrafricain et a appelé au dialogue. En écho, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a pressé toutes les parties à ouvrir "sans délai les négociations prévues à Libreville", au Gabon, sous l’égide de l’UA, et à un arrêt immédiat des hostilités.

José Binoua, ministre centrafricain de l’Administration du territoire, a mis en garde contre le risque d’une "révolution de palais" si la communauté internationale ne continuait à faire pression sur François Bozizé. "Le président a fait des concessions, il a donné tous les gages mais il ne faut pas que la pression soit unilatérale. Les rebelles pillent, tuent et exigent", a-t-il déclaré à l'AFP. Et d’ajouter : "Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Ici, le bébé, c’est l’ordre constitutionnel."

La coalition de mouvements rebelles, la Séléka, a lancé le 10 décembre une vaste "opération de reconquête" pour exiger du régime de François Bozizé qu’il respecte une série d’accords conclus avec diverses factions rebelles. Ces accords, signés entre 2007 et 2011, prévoyaient notamment une indemnisation des rebelles et une intégration de leurs représentants à la vie politique du pays en échange de leurs armes. Des dispositions que le gouvernement n’a jamais mises en œuvre. La rébellion contrôle aujourd’hui une large partie du pays, notamment quatre villes majeures : Sibut, proche de la capitale, Bambari, Bria et Kaga-Bandoro.