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Chronique de fin du monde : à Bugarach, l’apocalypse peut rapporter gros... ou pas

, envoyée spéciale à Bugarach – Alors que le maire de Bugarach est critiqué par ses administrés qui le tiennent pour responsable de la folie médiatique qui s'est emparée du village, certains confient toutefois avoir tiré profit de l’afflux de curieux à l'heure de l'apocalypse.

Jean-Pierre Delord, le maire de Bugarach, n’est pas ce qu’on appelle un élu heureux. Sans surprise, l’édile, harcelé depuis un an par les médias français et étrangers, frise l’apoplexie à chaque fois qu’un journaliste l’approche. "Toi, toi et toi dehors !", avait-il lancé en début de semaine à des journalistes qui tentaient de s’inviter à un apéritif de Noël organisé pour ses ouailles. "Je ne veux rien savoir, vous dégagez d’ici immédiatement", avait-il continué, le visage rouge de colère.

Il faut dire qu'outre le harcèlement qu’il subit au quotidien, Jean-Pierre Delord pourrait bien payer le prix fort de toute cette folie médiatique aux municipales de 2014. "Il paraît que c’est même lui qui est à l’origine de tout ce merdier", précise, excédée, une des 200 habitantes du petit village, interrogée vendredi matin. Certains pensent, en effet, que la "folie bugarachoise" serait partie d’une interview que le maire a donné, courant 2010, dans laquelle ce dernier mettait en garde contre un déferlement d’illuminés dans sa ville après avoir entendu qu’une rumeur courait sur Internet. C’est un peu compliqué, on vous l’accorde.

Un bar ouvert pour "l'occasion"

Reste que, responsable ou pas, le maire n’aurait pas su tirer profit de ce délire médiatique. Au "Relais de Bugarach", une petite guinguette en haut du village, chaque tasse de café s’accompagne d’ailleurs d’une diatribe contre Jean-Pierre Delord. "Il n’a même pas profité de cette agitation pour promouvoir la région, c’est vraiment stupide", se plaint régulièrement le gérant aux journalistes.

Mais tout le monde n’a pas attendu que le maire prenne les choses en main pour se faire de la publicité - et gagner de l’argent sur le dos de la rumeur. Jean, un agriculteur bugarachois d’une cinquantaine d’années, avait lui "senti qu’il y avait quelque chose à exploiter". Lundi 18 décembre, à l’arrivée massive des journalistes, l’homme avait décidé de lancer sa guinguette éphémère : la "Ferme de Janou". La sauce prend : dès le premier soir, les curieux, cherchant à tuer l’ennui, affluent vers sa tente blanche d’environ 50 m² sous laquelle tiennent environ huit tables en plastique et des centaines de bouteilles. "J’ai décidé d’ouvrir ce bar pour l’occasion, bien évidemment", précise-t-il, content de lui. "Même les RG (renseignements généraux) mangent, ici". Et boivent aussi sûrement. Car, grâce à la vente de ses bouteilles de vin rouge étiquetées ‘Cuvée de la fin du monde, Bugarach, 21/12/2012, j’y étais’ (vendues à 7 euros l’unité), Jean peut se vanter d’avoir "touché le pactole".

Une soirée karaoké "veille de fin du monde"

Le bouche à oreille fonctionne et le bar de "Janou" tourne à plein régime. Jeudi 20 décembre, la guinguette improvise même une soirée karaoké "veille de fin du monde". Légèrement kitsch mais définitivement sympathique. En moins de deux heures, une centaine de personnes se retrouvent sous la tente ; journalistes et curieux trinquent ensemble. Les caméras filment les déhanchés de certaines jeunes filles - passablement éméchées - pendant que Jean et son équipe remplissent en continu les verres de leurs clients. "C’est bien, c’est vraiment bien, en plus les gens s’entendent bien, l’ambiance est au rendez-vous !", hurle-t-il alors que sa voix est noyée dans la musique - à plein volume - du groupe ACDC. "On gagne de l’argent et, en plus, on fait venir les jolies filles de Paris. Que demande le peuple avant la fin du monde ?".