
Mohamed al-Ajami, condamné à la prison à perpétuité par un tribunal qatari pour ses poèmes, attend derrière les barreaux son procès en appel. Seule la France et plusieurs ONG ont mentionné son cas devant le Qatar.
Le poète qatari Mohamed al-Ajami attend toujours en prison que la justice de son pays décide de son sort. Derrière les barreaux depuis novembre 2011, l’homme, âgé de 36 ans, a été condamné à une peine de prison à perpétuité lors d’un procès à huis clos qui s’est tenu le 29 novembre dernier, sans possibilité ni pour lui ni pour son avocat de défendre sa cause.
Son tort : avoir rédigé et publié sur YouTube - en juillet 2010 alors qu’il était étudiant au Caire - un poème qui s’en prend à l’entourage de l’émir Cheikh Hamad bin Khalifa al-Thani et se moque des "cheikhs qui jouent sur leur Playstation". Ses écrits en arabe dialectal du Golfe, notamment le poème qui proclame "nous sommes tous la Tunisie face à une élite répressive", seraient également en ligne de mire. Dans l’acte d’accusation figure l’atteinte à la Constitution, l’insulte de l’émir et la diffamation envers le prince héritier.
"Ceci n’a pas de sens", a déclaré Mohamed al-Ajami dans un entretien à Reuters fin novembre. "Vous ne pouvez pas, dans un même pays, héberger et financer la chaîne Al-Jazeera et me jeter en prison en raison de ma poésie." Le poète déclare n’avoir jamais critiquer nommément l’émir du Qatar qu’il estime être un "homme bon".
Spéculations sur une éventuelle amnistie
Depuis, des rumeurs circulent sur son amnistie. Un responsable de l’administration qatarie, joint au téléphone par FRANCE 24, estime que l’émir finira par gracier l’écrivain, ou du moins par ne pas appliquer sa peine. Mais pour l’instant, la seule information certaine est que Mohamed al-Ajami attend la date de son procès en appel et que d’ici là, il est tenu reclus dans des conditions extrêmes. "Les rumeurs d’amnistie sont de pures spéculations, il n’y a rien de tangible", explique Dina el-Mamoun, spécialiste des pays du Golfe pour Amnesty International.
En dehors des communiqués publiés par Human Rights Watch et Amnesty International, ainsi que les pétitions lancées par des collectifs de poètes, aucune véritable pression ne s’exerce sur le Qatar pour l’inciter à revenir sur cette décision de justice. "Amnesty International a soulevé la question en novembre dernier, quand le Qatar faisait son compte-rendu devant le Comité internationale contre la torture, sous l’égide des Nations unies", mentionne Dina el-Mamoun.
A sa connaissance, la France est le seul pays à avoir émis des réserves officielles. "S'en prendre à des poètes, ce n'est évidemment pas ni ce que souhaite ni ce qu'admet la démocratie française", a ainsi déclaré le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius le 9 décembre, interrogé lors de l'émission Le grand jury RTL-Le Figaro-LCI. Le ministre a affirmé en avoir parlé avec les autorités qataries : "J'en parle et quand j'en parle j'espère être entendu".