Le Conseil de sécurité de l’ONU a voté jeudi une résolution autorisant une intervention militaire au Nord-Mali, aux mains de rebelles islamistes. L’opération ne devrait toutefois pas se tenir avant l’automne et pourrait s’avérer difficile à réaliser.
L’ONU a donné son feu vert à une intervention militaire au Nord-Mali. Le Conseil de sécurité a voté, jeudi 20 décembre, à l’unanimité une résolution proposée par la France autorisant le déploiement d’une force africaine pour une durée initiale d’un an, afin de reconquérir la région aux mains de plusieurs groupes islamistes depuis le printemps dernier.
Nommée Afisma, cette force, qui viendra en appui à l’armée malienne, devrait compter jusqu'à 3 300 hommes issus de plusieurs pays de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao).
Les groupes armés maliens Ansar Dine et MNLA, qui ont annoncé vendredi à Alger un accord pour cesser les hostilités et négocier avec Bamako, ont dénoncé la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU.
"Nous dénonçons cette décision. Nous avons toujours dénoncé l'intervention militaire et nous avons dit que ce n'est pas la solution", a dit le représentant d'Ansar Dine, Mohamed Ag Akharib, devant les journalistes à Alger.
L’intervention militaire ne devrait pas se concrétiser avant l’automne 2013. L’ONU a posé comme condition préalable à l’envoi d’une force, réclamée avec insistance par l’Union africaine (UA) et la Cédéao, la reconstitution de l’armée malienne, décomposée depuis le coup d’État qui destitua, le 22 mars, le président Amadou Toumani Touré.
Français et Américains, longtemps en désaccord sur le sujet, sont donc finalement parvenus à trouver un terrain d’entente. Les discussions ont été longues et difficiles, Washington doutant notamment de la capacité des Africains à mener à bien une telle opération.
"Il n’y a pas d’armée malienne digne de ce nom"
Une réserve partagée par Marc-Antoine Pérouse de Montclos, chercheur à l’Institut de recherche et développement (IRD), spécialiste de l’Afrique. "Il existe deux obstacles militaires majeurs, explique-t-il sur l’antenne de FRANCE 24. Se pose d’abord la question de savoir quel type de troupes africaines va être envoyé au Nord-Mali. On pense évidemment au Nigeria, dont les effectifs militaires sont les plus importants de la région et qui est le seul pays à avoir une capacité de projection opérationnelle en dehors du pays. Le souci, c’est qu’officiellement, le Nigeria compte 80 000 militaires mais on estime que seulement 18 000 sont opérationnels."
Or, précise le chercheur, le Nigeria est déjà engagé dans plusieurs opérations intérieures, notamment à Jos, dans le delta du Niger, et dans l’État de Borno. Son armée opère déjà à flux tendu. De plus, précise Marc-Antoine Pérouse de Montclos, "les précédents du Nigeria n’ont pas été très bons lorsqu’il s’est agi d’envoyer des troupes au Sierra Leone ou au Liberia dans les années 1990. Il s’agissait de pays anglophones [comme le Nigeria, ndlr]. Là, la zone francophone du Nord-Mali n’est vraiment pas un terrain que connaît l’armée nigériane."
L’autre obstacle à la réussite d’une éventuelle opération militaire concerne l’armée malienne elle-même. "Actuellement, il n’existe pas d’armée malienne digne de ce nom, estime le chercheur. Les spécialistes militaires vous expliquent […] que pour monter vraiment une armée, ça prend 20 ans. Ce n’est pas une formation à la va-vite […] qui va permettre d’avoir une armée réellement aguerrie. Actuellement, la force militaire malienne est en pleine décomposition."
Espoirs diplomatiques
Les membres du Conseil de sécurité gardent espoir en une résolution diplomatique du conflit. À ce titre, l’ONU a exhorté le nouveau gouvernement malien à engager des négociations "crédibles" avec les groupes présents dans le Nord, essentiellement les Touareg, qui se dissocieront des "organisations terroristes" contrôlant cette région, dont Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et le Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest (Mujao).
Début novembre, une médiation de la Cédéao avait permis une amorce de dialogue à Ouagadougou, au Burkina Faso, entre le gouvernement malien, le groupe armé islamiste Ansar Dine (Défenseurs de l'islam), et la rébellion touareg du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA).
L’ONU a également appelé Bamako à lancer un "dialogue politique pour rétablir pleinement l'ordre constitutionnel" au Mali et à organiser des élections avant avril 2013. "Aujourd’hui, le gouvernement en place à Bamako est extrêmement fragile, estime Marc-Antoine Pérouse de Montclos. La question est de savoir quel est vraiment l’interlocuteur de la communauté internationale. Il est question d’organiser des élections d’ici avril 2013, mais, très clairement, les mutins [auteurs du coup d’État du 22 mars] n’ont pas du tout l’intention de lâcher les rênes du pouvoir."
Avec dépêches