Durant sa visite de deux jours à Paris, Dilma Rousseff, la présidente du Brésil, a plaidé contre les politiques d'austérité imposées par Berlin dans l’Union européenne. Un discours qui réjouit le président français François Hollande.
Certains journaux brésiliens la comparent à une "anti-Merkel". Quand la présidente du Brésil Dilma Rousseff se rend sur le Vieux Continent, elle n’hésite pas, en effet, à critiquer avec vigueur les politiques d’austérité imposées depuis plusieurs mois par la chancelière allemande Angela Merkel à ses partenaires européens.
Ce fut une nouvelle fois le cas, ce mercredi, à l'occasion de sa première visite en France en tant que chef de l'État. Au siège du Medef - le patronat français -, Dilma Rousseff a ainsi une nouvelle fois affirmé que la "réduction des dépenses, la politique monétaire exclusive et la diminution des droits sociaux ne constituent pas une réponse à la crise". "Comme le Fonds monétaire international (FMI) le reconnaît lui-même aujourd'hui, l'austérité provoque plus de récession et plus de chômage", a-t-elle encore précisé devant un parterre d’entrepreneurs français.
Réputée pour "sa très forte personnalité", selon les termes de son mentor, Luiz Inacio Lula da Silva - qui fut son prédécesseur à la présidence -, Dilma Rousseff avait déjà profité de la tribune que lui avait offert le 22e Sommet ibéro-américain de Cadix, en Espagne, en novembre dernier, pour pointer du doigt les "limites des politiques d'austérité, quand elles sont exclusives" et souligner le fait qu’elles avaient jusqu’à présent imposé aux populations d'"énormes sacrifices". Dilma Rousseff a également plaidé pour que "la croissance se [fasse] par la création d'emploi et par la distribution des richesses".
Le Brésil, pays de la classe moyenne
Le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, et son collègue brésilien de l'Industrie, Fernando Pimentel, ont partagé ce mercredi le besoin de protéger leurs économies "face aux excès d'une économie prédatrice" venue d'Asie, lors d'une conférence au siège du Medef.
"Nous devons chercher l'ouverture économique, mais cela ne signifie pas accepter des pratiques prédatrices dans le commerce international comme nous avons l'habitude de voir en provenance d'Asie", a affirmé le ministre brésilien.
"Comme vous, autant nous sommes hospitaliers pour tous les projets de long terme, autant nous souhaitons protéger l'économie européenne des excès d'une économie prédatrice que vous avez parfaitement identifiée", a affirmé Arnaud Montebourg à la tribune.
Selon la présidente de la sixième économie mondiale, cette approche a permis à son pays de surmonter les effets de la crise qui sévit depuis 2008. "Nous savons de quoi nous parlons", a-t-elle expliqué à Paris tout en ajoutant que son pays avait connu "une grave expérience" pendant "deux décennies de récession" dans les années 1980 et 1990. "À l'époque, personne ne reconnaissait que les mesures qui augmentaient les inégalités, le chômage et le désespoir dans les pays latino-américains ne menaient nulle part", a-t-elle regretté.
Aujourd’hui, le Brésil affiche un taux de chômage insolent de seulement 5,6 % grâce aux quelque 17 millions d’emplois créés ces dix dernières années. "Le Brésil entend devenir le pays de la classe moyenne", a poursuivi Dilma Rousseff, qui rappelle que 55 % des Brésiliens appartiennent à la "classe C", l'équivalent de la classe moyenne au Brésil.
Appel à Merkel pour relancer la compétitivité
Dans sa guerre contre l’austérité, Dilma Rousseff, 64 ans, a trouvé un allié de taille en la personne de François Hollande pour poursuivre la fronde. Lors de leur rencontre, mardi, le président français a vanté son propre engagement à promouvoir une politique de croissance en Europe. Le chef de l’État français a souligné que certains "pays doivent faire des efforts de compétitivité" mais que d'autres "doivent réduire leurs excédents commerciaux et soutenir la demande intérieure", visant ainsi implicitement l'Allemagne.
Dilma Rousseff s'est par ailleurs faite l'avocate d'une "véritable union bancaire dans laquelle une Banque centrale aurait les pouvoirs de défendre l'euro sur tous les fronts", à la veille d'une réunion cruciale des ministres des Finances de la zone euro sur ce dossier qui divise Paris et Berlin. Reste à savoir si Rousseff, troisième femme la plus puissante du monde selon le magazine Forbes, sera entendue par Angela Merkel... qui est, elle, la première de ce classement.