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Une source de l'AFP affirme que le régime syrien serait en train de mélanger des "précurseurs chimiques" à des fins militaires. Les experts s'accordent toutefois pour dire que Damas n'a aucun intérêt à utiliser ce type d'armes.

Vingt mois après le début du soulèvement contre le président syrien Bachar al-Assad, la communauté internationale redoute toujours que le régime de Damas, acculé, n'utilise des armes chimiques contre son peuple. Et pour cause : lundi 3 décembre, un responsable américain, sous couvert d’anonymat, a affirmé à l’AFP que le régime syrien serait en train d'assembler des éléments nécessaires à la militarisation d'armes chimiques, vraisemblablement du gaz sarin.
Washington met en garde Damas
 
L'Otan évoque une "réaction internationale immédiate"

L'utilisation d'armes chimiques par la Syrie entraînerait une "réaction internationale immédiate" de la communauté internationale, a déclaré mardi le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen.

"Une utilisation éventuelle d'armes chimiques serait totalement inacceptable pour la communauté internationale. Je m'attends à une réaction immédiate de la communauté internationale" si c'était le cas, a déclaré M. Rasmussen avant une réunion des ministres des Affaires étrangères des pays de l'Otan à Bruxelles.

"Il semble que des drones américains ont récupéré des informations laissant à penser que les Syriens manipulaient un certains nombre de leurs stocks d’armes chimiques, notamment dans deux dépôts", précise Olivier Lepick, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique et spécialiste des armes chimiques à FRANCE 24. 
Le gaz sarin est un produit extrêmement toxique qui provoque de graves séquelles neurologiques quand il ne tue pas par paralysie. Une fois ses composants assemblés, il suffit de placer le gaz dans un missile, une arme ou une bombe pour en avoir un usage militaire. Il est considéré comme une arme de destruction massive depuis 1987 par les Nations unies.
"Il se peut que le régime syrien ait procédé à l’assemblage des composants du gaz sarin afin de rendre plus difficile la neutralisation de ses stocks par un bombardement ordonné par les Occidentaux car, une fois assemblé, il devient actif et dangereux ", explique à FRANCE 24 Christian Leuprecht, professeur de sciences politiques au sein du Center for International and Defence Policy au Canada.
Cette information a été dévoilée lundi, quelques heures après que Washington a justement mis en garde le pouvoir syrien contre le recours à des armes chimiques. "Aujourd'hui, je veux dire très clairement à Assad et à ceux qui obéissent à ses ordres que le monde entier [vous] observe. Le recours à des armes chimiques est et serait totalement inacceptable", a déclaré le président américain Barack Obama lors d'une allocution.
"Si vous commettez l'erreur tragique d'utiliser ces armes, il y aura des conséquences et vous en répondrez. Nous ne pouvons pas permettre que le XXIe siècle soit assombri par les pires armes du XXe siècle", a-t-il ajouté. Damas a immédiatement rétorqué qu'il ne ferait pas usage d'armes chimiques contre son peuple.
Un arsenal chimique "parfaitement moderne"
Les observateurs s’accordent pour dire que le régime baasiste, bien conscient de l’escalade qu’elle induit, n’a aucun intérêt à recourir à ce type d’armement. "Damas ne peut se risquer à utiliser son arsenal chimique, car le pouvoir syrien sait que cela reviendrait à ouvrir la porte à une intervention militaire internationale", explique à FRANCE 24 David Rigoulet-Roze, chercheur à l’Institut français d’analyse stratégique (Ifas). 
Un avis que partage Olivier Lepick. "Le régime n’aurait absolument rien à gagner à utiliser ses armes chimiques, le président Assad est tout sauf stupide, il sait parfaitement qu’en franchissant cette ligne rouge il perdra les derniers soutiens dont il jouit au sein du Conseil de sécurité [la Chine et la Russie, NDLR]", argumente le chercheur spécialiste des armes chimiques. Selon lui, si le régime dispose d’une panoplie d’armes développée depuis le milieu des années 1970 et "parfaitement moderne" - par exemple des agents de dernière génération comme les neurotoxiques organophosphorés, particulièrement dangereux -, leur utilisation dans le cadre d’une guérilla urbaine n’a aucun intérêt tactique.
Toutefois leur sécurisation semble être une priorité pour les Occidentaux qui redoutent toutes sortes de scénarii catastrophes et pas seulement celui de voir le président Assad franchir la ligne rouge pour défendre son régime. La situation en Syrie est tellement volatile que les experts envisagent que le pire peut arriver. "Il existe le risque qu’un commandant en charge d’une base de stockage d’armes chimiques, sous la pression d’une attaque rebelle, panique et prenne une décision fatale sans attendre un ordre de Damas, note Christian Leuprecht. Mais aussi le risque que des djihadistes mettent la main sur ces armes et les utilisent dans le conflit syrien."