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Yo soy 132, les étudiants mexicains à bout de souffle

À l’heure où Enrique Peña Nieto est investi président du Mexique, le mouvement Yo Soy 132, né pendant la campagne électorale a perdu de sa fraîcheur. Malgré les forts soupçons de fraude qui pèsent sur le scrutin, le mouvement est en perte de vitesse.

Ils avaient battu le pavé en mai 2012, en plein cœur de la campagne présidentielle mexicaine. Six mois plus tard "Yo soy 132" le mouvement de contestation des étudiants mexicains a perdu toute visibilité. Samedi 1er décembre, Enrique Peña Nieto a été investi président du Mexique, quatre mois après son élection. Le candidat du PRI (Parti révolutionnaire institutionnel), cible des militants pour ses méthodes politiques douteuses, n’est pour eux que l’arbre qui cache la forêt. Le système politique mexicain représente pour ces jeunes des classes moyennes le véritable problème. Selon eux, le système est gangrené par des médias partiaux, au première rang desquels figure la chaîne de télévision Televisa. Mais, malgré l’engouement suscité sur le moment, le mouvement n’a pas empêché l’élection d’Enrique Peña Nieto.

Collusion entre politique et médias

Au mois de juin, des milliers d’étudiants mexicains, de 70 universités différentes, manifestaient dans le pays [ils étaient 50 000 à Mexico début juillet]. En trois semaines, le mouvement Yo soy 132 - "je suis le 132e", en référence à un groupe de 131 étudiants qui s’étaient opposés en mai à la visite du candidat Peña Nieto sur leur campus – avait réussi à s’imposer sur les réseaux sociaux, et dans la campagne présidentielle. Les activistes avaient même organisé leur propre débat entre trois des candidats à la présidentielle, Enrique Peña Nieto ayant refusé d’y participer.

La gauche, qui a tenté de surfer sur le mouvement pour courtiser l’électorat jeune, accusait les médias mexicains d’avoir réalisé une "couverture tendancieuse" de la campagne électorale en faveur du candidat du PRI. Pour ces indignés, il est clair que Televisa a dépensé des millions de pesos pour la campagne médiatique du candidat Nieto.

Dénonçant des irrégularités lors du scrutin, le candidat de la gauche avait demandé un recomptage des voix. Au Mexique, on estime que plus d’un électeur sur quatre a été sollicité durant cette campagne présidentielle pour vendre son vote. Toutefois, en août, le tribunal fédéral électoral du Mexique a rejeté un recours de la coalition de gauche, arguant qu’il ne contenait que des "affirmations dogmatiques" qui ne démontraient pas un véritable préjudice au détriment du candidat de la coalition de gauche.

Trahison

Un échec judiciaire également pour Yo soy 132. Six mois après la naissance du mouvement, l’engouement des débuts a laissé place à un sentiment d’impuissance. En septembre, l’une des figures les plus visibles du mouvement, Antonio Attolini, a été embauchée par l’ennemi juré Televisa, après s’être fait remarquer lors d’une émission où, en tant qu’invité, il avait remis le présentateur à sa place (voir vidéo ci-dessous). Une trahison pour les militants, selon qui l’homme a retourné sa veste.

"Cet évènement a jeté le discrédit sur le mouvement," déplore Ianis Guerrero, un Mexicain de 32 ans, sympathisant de la cause. "Certains ont pensé que les militants du mouvement étaient, eux aussi, motivés uniquement par l’argent." En plus d’Attolini, d’autres membres de l’organisation ont rejoint la télévision.

Antonio Attolini face au présentateur de Televisa (en espagnol)

"Yo soy 132 n’est pas mort"

Cependant, pour Ianis Guerrero, la perte d’influence du mouvement correspond surtout à la fin de la campagne présidentielle. "Les Mexicains sont très politisés. La tenue de l’élection a permis à l’opposition d’être sur le devant de la scène, c’était une tribune pour faire entendre des voix différentes. Depuis que l’élection est terminée, l’engouement est retombé, c’est normal," constate Ianis Guerrero, qui ne perd pas espoir. "Mais Yo soy 132 n’est pas du tout mort, il est une force sociale et civique. De plus, il bénéficie quand même du soutien de divers médias, comme par exemple la chaîne d’information MVS, qui donne régulièrement la parole aux jeunes."

Leur objectif désormais, proposer une nouvelle Constitution. Et plaider pour la création d’une troisième chaîne de télévision publique. "Le mouvement va continuer, au moins pendant les six prochaines années, au cours desquelles Peña Nieto sera président," prédit l’ancien manifestant, pour qui le mouvement représente un réel contre-pouvoir exercé par la jeunesse.

En attendant, les opposants actifs sur Twitter ont créé un hashtag spécial pour la journée d’investiture de samedi : #OcupaSanLazaro, du nom de la place où a lieu la cérémonie. Une cérémonie qui est orchestrée aux frais de Televisa.

Tags: Mexique, Médias,