Arnaud Montebourg, le ministre français du Redressement productif, agite la menace d’une nationalisation du site de Florange et "ne veut plus" de Mittal sur le territoire français. A-t-il les moyens de faire plier le géant de la sidérurgie ?
C’est le bras de fer industriel du moment : Arnaud Montebourg vs ArcelorMittal. Le ministre français du Redressement productif ne semble pas avoir de mots assez durs pour le numéro un mondial de la sidérurgie qui ne veut pas se plier aux exigences gouvernementales concernant la reprise du site sidérurgique de Florange.
Afin de tenter de sauver les deux hauts fourneaux lorrains, il a multiplié les sorties médiatiques ces derniers jours, brandissant, depuis la semaine dernière, la menace d’une nationalisation temporaire du site et affirmant qu’ArcelorMittal n’avait fait que proférer des “mensonges” depuis 2006 sur ses engagements financiers en France. Enfin, dans un entretien accordé, lundi 26 novembre, au quotidien économique Les Échos, Arnaud Montebourg affirme tout simplement qu’il ne veut “plus de Mittal en France”.
Le nouveau meilleur ennemi du ministre français n’est pas resté silencieux face à ces attaques. L'entourage de Lakshmi Mittal, PDG de la multinationale indienne, s’est dit choqué par les déclarations d’Arnaud Montebourg. Pour ArcelorMittal, l’équation est simple : si l’État français obtient ce qu’il veut, le reste des emplois en France du géant mondial de la sidérurgie - environ 22 000 - seraient menacés.
Alors que la décision sur une éventuelle reprise doit tomber en fin de semaine, la bataille se réduit-elle au volontarisme forcené d’Arnaud Montebourg contre un chantage aux emplois d’ArcelorMittal ?
Que propose ArcelorMittal ? Le géant de la sidérurgie accepte de céder une partie de son site de Florange. Il s’agit de la filière liquide qui, comme le rappelle Les Échos, produit des composants essentiels à la fabrication de bobines d’acier revendues ensuite à peu ou prou tous les constructeurs automobiles européens.
Cette activité fait vivre directement 628 salariés sur les 2 500 emplois que compte le site de Florange. Mais plusieurs sous-traitants de la région comptent aussi ces hauts fourneaux comme importants clients et s'ils venaient à fermer, leur survie serait remise en cause.
Pourquoi Arnaud Montebourg n’est pas content ? Le problème est que personne ne semble vouloir uniquement des deux hauts fourneaux dont ArcelorMittal veut se débarrasser. L’Europe est, en effet, en surcapacité dans le secteur de l’acier liquide, rappelle Les Échos.
Si Arnaud Montebourg cède à ArcelorMittal, il se retrouverait probablement sans sauveur pour les emplois menacés. Dans cette hypothèse, le ministre du Redressement productif risque de devoir assister à la fermeture du site et ne ferait, au final, pas mieux que Nicolas Sarkozy. L’ancien président n’avait pas pu sauver le site sidérurgique de Gandrange - qui appartenait déjà à ArcelorMittal - en 2009. Or, un tel échec serait politiquement inacceptable pour Arnaud Montebourg.
Qu’exige Arnaud Montebourg ? Le ministre veut qu’ArcelorMittal accepte de mettre en vente l’ensemble du site de Florange. Le gouvernement assure que, dans ce cas-là, il y aurait au moins deux repreneurs potentiels pour les activités de Florange. Selon Le Monde, il s’agirait du russe Severstal et du français Ascometal.
L’actuel propriétaire de Florange ne veut pas entendre parler d’un tel scénario. “Le reste des activités de Florange tourne parfaitement, et ArcelorMittal n’a aucune envie de voir un de ses concurrents directs en prendre possession”, assure à FRANCE 24 Jean-Luc Gaffard, directeur du département de recherche sur l'innovation et la concurrence de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
Quels sont les atouts dont dispose le gouvernement ? La nationalisation, même temporaire, du site de Florange règlerait le problème. “Rien n’empêche l’État d’y avoir recours ou de prendre ne serait-ce qu’une participation majoritaire dans le site”, reconnaît Jean-Luc Gaffard.
L’idée d’Arnaud Montebourg serait ensuite de trouver “un éventuel actionnaire privé, initialement minoritaire, qui augmenterait progressivement sa participation dans le capital de l'entreprise”, explique le site économique La Tribune.
Mais ce “n’est pas une opération qui se ferait du jour au lendemain”, tempère Jean-Luc Gaffard. Ce spécialiste de la politique industrielle rappelle que le gouvernement devrait d’abord se mettre d’accord avec un ArcelorMittal très hostile sur un prix d’indemnisation pour cette nationalisation. Une chose est sûre : “Ça risquerait de coûter très cher à l’État”.
ArcelorMittal peut-il s’y opposer ? Le seul moyen pour le géant indien de bloquer cette nationalisation serait de la contester devant les autorités européennes de la concurrence. Il y aurait, en effet, moyen d’arguer qu’une telle opération serait une entrave à la libre concurrence, estime Jean-Luc Gaffard. “L’État veut nationaliser pour ensuite revendre le site, c’est-à-dire que la puissance publique interviendrait pour favoriser un concurrent d’ArcelorMittal, ce qui peut être contestable”, analyse ce spécialiste. Pour lui, entre le prix élevé d’une nationalisation et le risque de se retrouver épinglé au niveau européen, la sortie d’Arnaud Montebourg ressemble plus à un dernier coup médiatique pour un gouvernement qui n’a pas trouvé de solution pour sauver Florange.