Au terme d’une journée marquée par de violentes échauffourées entre CRS et opposants au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, Matignon a annoncé la mise en place d’une "commission du dialogue" afin d’apaiser le conflit en cours.
Le gouvernement va mettre en place "dans un souci d'apaisement" une "commission du dialogue", après les vifs affrontements qui ont fait au moins sept blessés samedi à Notre-Dame-des-Landes et à Nantes, entre forces de l'ordre et manifestants anti-aéroport.
Le gouvernement va confier à la commission "le soin d'exposer" le projet contesté d'aéroport et d'"entendre toutes les parties prenantes", a annoncé Matignon en début de soirée samedi.
Mais un peu plus tard dans la nuit, l'Acipa, principale organisation d'opposants au projet d'aéroport, a affiché ses exigences: "Nous voulons le retrait total des forces de police du secteur de Notre-Dame-des-Landes, c'est la première condition pour qu'on puisse réfléchir à un dialogue avec le gouvernement", a déclaré Julien Durand, le porte-parole de l'association.
Le niveau de violence avait monté d'un cran samedi. Outre les opposants blessés, un CRS a perdu connaissance après avoir été touché par un pavé devant la préfecture à Nantes, selon le ministère de l'Intérieur. Sur le site de Notre-Dame-des-Landes, deux gendarmes et quatre opposants ont été blessés, tous légèrement, a indiqué la préfecture.
Sur le site de l'aéroport, les forces de l'ordre ont procédé à neuf interpellations. Sept personnes ont été relâchées et deux placées en garde à vue pour port d'arme, a-t-on précisé de même source.
Ces affrontements sont intervenus au deuxième jour d'une vaste opération d'expulsion lancée vendredi sur le site prévu pour accueillir le nouvel équipement qui doit remplacer l'actuel aéroport Nantes Atlantique en 2017.
Dans la soirée, Matignon a ouvert la porte au dialogue, ajoutant toutefois que "le Premier ministre réitère l'engagement du gouvernement à contribuer au développement économique et social du Grand Ouest, dont le projet de transfert de l'aéroport de Nantes à Notre-Dame-des-Landes est une composante".
Plus tôt dans la journée, on avait appris que les premiers travaux de défrichement du site de Notre-Dame-Des Landes, initialement prévus en janvier 2013, devraient être repoussés d'environ 6 mois, trois ministres (Ecologie, Transports et Agriculture) ayant décidé de renforcer les procédures en faveur de l'environnement.
Ces trois ministres ont réaffirmé samedi "la nécessité" de construire l'aéroport. Dans un communiqué commun, les trois ministres, Delphine Batho, Frédéric Cuvillier et Stéphane Le Foll, ont également confirmé l'"engagement" du gouvernement en faveur du respect des procédures et leur volonté de "conforter les initiatives en faveur du respect de la biodiversité et de la préservation des terres agricoles".
"Aucune intervention de défrichement" ne sera réalisée "avant validation" par un comité scientifique chargé d'assurer la protection de la biodiversité et des zones humides, ont précisé les ministres. Cet engagement a été salué comme "un premier signe d'ouverture" par Pascal Durand, le secrétaire national d'EELV et "un "signe d'apaisement" par le sénateur vert de Loire-Atlantique Ronan Dantec.
Epreuve de force
Sur le terrain, tant à Notre-Dame-des-Landes qu'à Nantes, les manifestants ont crié leur déception face aux choix du gouvernement. Ils ont conspué le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, maire de Nantes jusqu'à sa nomination à la tête du gouvernement et fervent promoteur à ce titre du nouvel aéroport, ainsi que le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, qui avait évoqué un "kyste" vendredi à propos de l'opposition sur le site prévu pour l'aéroport.
Les cris de "Ayrault, salaud, Valls, facho", ou encore "Ayrault, démission", ont retenti à Nantes tandis qu'à Notre-Dame-des-Landes, des opposants non-violents exprimaient leur indignation face au terme de "kyste" employé par Manuel Valls et ressenti comme une insulte.
Dans les deux lieux, les manifestants, souvent des électeurs de gauche, exprimaient leur déception, "immense" pour certains, face à l'épreuve de force engagée par le gouvernement pour imposer ce projet d'aéroport. A Notre-Dame-des-Landes, le nom du Premier ministre est désormais prononcé avec haine, tandis qu'à Nantes, des manifestants se déclaraient "scandalisés par l'attitude du PS" ou par celle des forces de l'ordre sur le site de l'aéroport.
Les affrontements souvent violents se sont poursuivis toute la journée à Notre-Dame-des-Landes, avec notamment l'usage par les manifestants de cocktails Molotov, de fusées de détresse en tirs tendus et de pieds de clôtures en acier.
Mais le préfet de Loire-Atlantique a affirmé que l'objectif des autorités avait été atteint et que ce qui pouvait être détruit l'avait été comme prévu, samedi.
A Nantes, entre 3.200 personnes, selon la police, et 8.000, selon les organisateurs, ont manifesté.
Après un moment de grande tension devant la préfecture où des échauffourées se sont produites en fin d'après-midi avec les CRS, les manifestants se sont retirés sans incident aux environs de 19H00. Se retrouvant au coeur du marché de Noël, ils ont crié "Ayrault entends-tu ? Le peuple est dans la rue".
En fin de journée, le ministre de l'Intérieur Manuel Valls a condamné les violences contre gendarmes et policiers à Notre-Dame-des-Landes et devant la préfecture de Nantes, rendant hommage au "sang-froid" des forces de l'ordre.
AFP