En reconnaissant "la liberté de conscience" aux maires qui refusent d’unir les couples du même sexe, le président français, François Hollande, s'est attiré les foudres de la gauche. Et les quolibets de la droite.
Pour de nombreux militants de la cause gay en France, ce n’est ni plus ni moins qu’un désaveu, un rétropédalage. Mardi 20 novembre, le chef de l'État français, François Hollande, a déclaré devant le Congrès de maires, que les édiles hostiles à l’idée d’unir deux personnes du même sexe pourraient faire jouer leur "liberté de conscience" et, de fait, déléguer ce pouvoir à leurs adjoints.
Pour les adeptes du mariage pour tous, ce compromis est tout bonnement inconcevable : il signifie qu’un élu de la République pourra refuser de ne pas appliquer la loi. "Monsieur Hollande, il y a tout un tas de lois en France qui perturbent ma conscience, est-ce que moi, je peux choisir ?", s’interroge Christian Andreo, militant depuis 10 ans pour le mariage gay dans les colonnes du "Nouvel Observateur", avant d’accuser le président de "légitimer l’homophobie avec une telle déclaration".
Même ahurissement de la part de l'ensemble des mouvements de défense des droits des homosexuels. "Je ne comprends pas comment on pourrait justifier qu'une loi ne s'applique pas de la même manière partout sur le territoire de la république", a réagi auprès de l’AFP Nicolas Gougain, porte-parole de l'Inter-LGBT, regroupement d'associations qui a par ailleurs annoncé avoir rompu ses relations avec le gouvernement.
L'étonnement a également saisi quelques personnalités politiques de gauche. Noël Mamère, élu vert qui fut le premier en France à célébrer symboliquement un mariage homosexuel dans sa mairie de Bègles, s’est dit stupéfait de ce droit de retrait accordé aux maires et a déploré la "capitulation" de François Hollande.
La stratégie du déminage
Au Parti socialiste (PS), on joue la carte de l’apaisement pour mieux faire passer la pilule, surtout après les manifestations anti-mariage pour tous qui ont connu ce week-end un succès quantitatif non négligeable. Pas moins de 200 000 Parisiens ont battu le pavé, le 17 novembre, contre l’union de deux personnes du même sexe. Autre preuve que le mariage gay divise l'opinion française : Dans le Languedoc-Roussillon, un maire sur cinq refuserait de marier des homosexuels, selon un sondage publié le 7 novembre dans le quotidien "Midi Libre".
"Hollande a voulu s'assurer que partout, dans toutes les municipalités, ce droit au mariage soit effectif", explique Harlem Désir, premier secrétaire du PS, sur Radio Classique. Une stratégie de "désescalade" que Le Figaro, quotidien de droite, explique par le fait que le président cherche à amadouer les réfractaires. "Hors de question d'offrir à ses opposants un sujet emblématique de rassemblement", peut-on lire dans l’article. "La réforme du mariage pour tous suscite l’émotion ? Hollande démine. Impossible pour le chef de l'État d'ouvrir un front alors qu'il est déjà accaparé par la crise financière", écrit la journaliste Agnès Leclair.
Hollande "renonce" et "achète le silence des maires"
Toutefois, pour la droite, cette manœuvre ne parviendra pas à démobiliser les militants anti-mariage gay. Bien au contraire. Dans le camp UMP, on considère que la déclaration témoigne de l'"amateurisme" du gouvernement sur la question. "Il fallait se pincer pour y croire. Ça donne un impression incroyable de cafouillis", a déclaré, sur Canal +, Laurent Wauquiez.
De son côté, l'ex-ministre de la Santé Xavier Bertrand ne boude pas son plaisir de voir "Hollande renoncer au mariage homosexuel", tandis que le même Laurent Wauquiez s'insurge de voir le président "acheter le silence des maires".
"La liberté de conscience n’existe pas face à la loi"
Reste que toute cette agitation médiatique n’est sans doute qu’une tempête dans un verre d’eau, selon Me Zoulikha Chergui, avocate de droit public, contactée par FRANCE 24. Est-il possible que le maire et ses adjoints décident de tous faire jouer en même temps leur 'liberté de conscience', pour ne pas marier un couple homosexuel ? La question en soi est absurde, avance-t-elle. La déclaration du président ne signifie absolument rien juridiquement parlant. Faire jouer sa liberté de conscience n’a pas lieu d’exister dans le domaine public. Si la loi autorise deux personnes du même sexe à se marier, les élus n’ont d’autres choix que de les unir civilement. Refuser est juridiquement aberrant. La loi s’applique de manière unanime pour tous. Aucun citoyen ne peut s’y soustraire", explique-t-elle.
Et de conclure : "Le maire a déjà le pouvoir de déléguer à ses adjoints. François Hollande n’a pas innové sur ce sujet. Mais, surtout, le maire agit en tant qu’agent de l’État pas en tant qu'individu. Imaginez un scénario similaire : Pensez-vous qu’un maire catholique a le droit de refuser de marier deux personnes parce qu’elles sont divorcées ? Absolument pas."