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Quand l’armée israélienne "live-tweete" son attaque sur Gaza

Tsahal utilise depuis mercredi tous les réseaux sociaux pour communiquer, en temps réel, ses informations sur l’offensive contre le Hamas à Gaza. Une utilisation intensive de Twitter, Facebook et autres Tumblr qui ne va pas sans poser de problèmes.

C’est une première. Jamais dans l’histoire militaire moderne une armée n'avait autant joué la carte 2.0. pour communiquer sur une opération en cours que l’Israel Defense Force (IDF), l’armée de l’État hébreu.

Israël ne s'est pas contentée de tuer, mercredi, le chef militaire du Hamas à Gaza, Ahmed al-Jaabari. L’armée israélienne a posté dans la foulée, sur YouTube, la vidéo de l’attaque qui, d’après elle, a coûté la vie au dignitaire du parti islamiste palestinien.

The IDF has begun a widespread campaign on terror sites & operatives in the #Gaza Strip, chief among them #Hamas & Islamic Jihad targets.

— IDF (@IDFSpokesperson) Novembre 14, 2012

L’État hébreu n’a pas seulement lancé sa plus vaste offensive à Gaza depuis trois ans, il l’a annoncée sur Twitter. À 16 heures (heure française), on pouvait lire sur le compte officiel de l’IDF que l’armée israélienne entamait “une vaste campagne contre des sites et des responsables d’activités terroristes dans la bande de Gaza, visant notamment des cibles du Hamas et du Jihad islamique [un autre groupe islamiste actif dans la bande de Gaza, NDLR]”.

Depuis lors, ce compte s’est transformé en veritable “liveblog” de l’offensive israélienne. C’est par ce canal que les militaires ont rendu publique la mort de Ahmed al-Jaabari et qu’ils postent des informations en temps réel sur l’avancée des opérations. @IDFSpokesperson y a aussi lancé un avertissement au Hamas, recommandant qu’aucun “de leurs membres ne se montrent dans les jours à venir”.

#PillarofDefense vs #GazaUnderAttack

Très au fait des us et coutumes du célèbre service de microblogging, Tsahal a, dès le départ, fait un usage intensif de hashtag (mots-clé sur Twitter) tels que #PillarofDefense ("Pilier de défense", le nom officiel de l’opération militaire), #Hamas ou #Gaza. Autant de termes qui se sont rapidement retrouvés parmi les plus recherchés sur Twitter.

Mais l’armée israélienne a déployé un arsenal de communication 2.0. bien plus vaste. Outre Twitter, Tsahal met régulièrement à jour un blog Tumblr, sa page Facebook et ne manque pas une occasion de nourrir son compte Flickr d’images capturées par ses forces durant l’offensive.

Face à cette machine bien huilée, le Hamas a très vite tenté de réagir. Le compte Twitter des brigades Ezzedine al-Qassam - le bras armé du parti islamiste - essaie d’imposer son propre hashtag #GazaUnderAttack. Elles répondent aussi directement aux tweets de l’IDF. “@IDFspokesperson Nos mains bénies sauront atteindre vos dirigeants et soldats où qu’ils se trouvent (vous avez ouvert les portes de l’enfer au dessus de vos têtes)”, pouvait-on ainsi lire sur leur compte peu après le début des hostilités.

Est-ce bien légal ?

Cette cyber-offensive médiatique israélienne poursuit plusieurs buts. L’utilisation inédite par Tsahal des réseaux sociaux devient en elle-même une information, déplaçant ainsi le débat médiatique du terrain du réel (l’attaque aérienne contre Gaza) vers celui du virtuel (l’utilisation de l’Internet par une force armée). En outre, “cela envoie trois messages distincts”, explique au site américain Wired Gabriella Blum, professeur à Harvard de droit international et de management de conflit international. “C’est un avertissement à tous les militants du Hamas qu’ils ont la main sur ce qui est transmis au monde, c’est un message aux Israéliens pour dire que l’armée ne reste pas sans réagir face aux tirs de roquettes du Hamas mais aussi à la communauté internationale pour lui assurer que l'État hébreu est capable d’atteindre très précisement ses cibles sans faire de victime collatérale”, assure-t-elle.

Un assaut sur les médias sociaux qui ne va pas non plus sans poser de problèmes. En effet, Twitter est, par excellence, un canal “où le flot ininterrompu de messages rend difficile de faire la part entre l’information et la propagande”, rappelle le New York Times. La légalité de la démarche au regard des termes du service du site de microblogging n’est pas non plus évidente, comme le souligne AllThingsDigital, le blog spécialisé dans les nouvelles technologies du Wall Street Journal. Twitter interdit, ainsi, de poster des messages qui menaceraient la vie d’autrui. La “recommandation” postée par Tsahal à tous les activistes du Hamas de ne pas se montrer ou encore l’affirmation qu’une offensive terrestre était envisageable peuvent-elles être interprêtées comme des menaces ? Contacté par AllThingsDigital, Twitter n’a pour l’heure pas encore voulu répondre à cette question.