Le ministre de l'Intérieur a provoqué un esclandre à l'Assemblée nationale en faisant porter à la droite la responsabilité du "retour du terrorisme" en France. "Ne polémiquons pas", a réagi quelques heures plus tard François Hollande.
Manuel Valls s'est livré mardi à une passe d'armes avec l'opposition de droite sur les statistiques de la délinquance, l'accusant, par allusion à l'affaire Merah, d'être responsable du retour du terrorisme en France. La charge lancée par le ministre de l'Intérieur lors des questions d'actualité à l'Assemblée nationale a provoqué la fureur des députés UMP qui ont exigé sa démission ou, à tout le moins, des excuses.
Des élus de droite ayant tenté de s'approcher des bancs du gouvernement aux cris de "Valls démission", avant d'être arrêtés par les huissiers, le président socialiste de l'Assemblée, Claude Bartolone, a levé la séance. "L'esbroufe c'est vous, l'échec, c'est vous, la hausse de la délinquance, c'est vous, les suppressions de postes de policiers et de gendarmes, c'est vous, le retour du terrorisme dans ce pays, c'est vous", avait auparavant déclaré Manuel Valls.
Par la suite, le ministre a "regretté" dans une déclaration la réaction de l'opposition et n'a présenté d'excuses, tout en se défendant d'avoir cherché la polémique.
"Propos intolérables"
Interrogé sur ce "tumulte" lors de sa première grande conférence de presse, François Hollande s'est gardé de désavouer Manuel Valls, un ministre qui fait "remarquablement bien son travail, y compris par rapport à la lutte contre le terrorisme".
Néanmoins, le chef de l'Etat a invité les uns et les autres à éviter les divisions sur ce sujet. "Si je puis donner ce conseil et aux uns et aux autres, à ceux qui sont aujourd'hui au gouvernement, à ceux qui sont dans l'opposition, ne perdons pas notre temps, de nous divisons pas, ne polémiquons pas."
Le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, Christian Jacob, a estimé que François Hollande devait se poser la question du maintien de Manuel Valls au gouvernement.
"Les propos de M. Valls sont intolérables. Perdre son sang-froid, avoir de tels propos injurieux, jamais sous la Ve République un ministre de l'Intérieur ne s'est permis de telles accusations. C'est irresponsable. Il convient que le président de la République se pose la question du maintien de M. Valls au gouvernement", a-t-il dit à des journalistes.
Parlant de "dérapage indigne", l'ex-Premier ministre François Fillon a demandé, sans succès, à François Hollande de "présenter des excuses publiques à l'égard de l'opposition et du député Eric Ciotti", qui avait interrogé Manuel Valls.
"Il est du rôle du chef de l'Etat de rappeler la nécessaire unité de la nation dans la lutte contre le terrorisme", dit-il dans un communiqué.
Mais le chef du groupe socialiste à l'Assemblée, Bruno Le Roux, a abondé dans le même sens que Manuel Valls en faisant référence aux "défaillances" de l'affaire Mohamed Merah, lorsque la droite était au pouvoir. Le jeune homme a tué sept personnes à Toulouse et Montauban en mars en se réclamant d'Al Qaïda.
Ces tensions ont eu pour point de départ la divulgation, par Le Figaro, de statistiques montrant une explosion des crimes et délits au cours du mois d'octobre. Les violences seraient globalement en hausse de 9% (24% en zone gendarmerie) et les atteintes aux biens de 8%, selon le quotidien.
"Esbrouffe de communication"
Eric Ciotti, le "Monsieur sécurité" de l'UMP, y a vu aussitôt la preuve que "malgré l'esbroufe de communication du gouvernement, tous les indicateurs de la délinquance et du crimes sont au rouge désormais".
Manuel Valls, qui, au vu des sondages, apparaît comme l'homme fort du gouvernement, a immédiatement entrepris de déminer le terrain.
Dans un communiqué publié au petit matin, le ministre n'a pas contesté les chiffres mais dit qu'ils découlaient "d'évolutions artificielles" liées à la politique de ses prédécesseurs.
Ces derniers auraient, selon lui, obtenu dans le passé une baisse purement statistique de la délinquance en donnant des consignes pour que certaines plaintes soient refusées ou certains délits déqualifiés.
"Des statistiques tronquées par une alimentation incomplète ne peuvent servir de base de référence. La sécurité des Français ne doit souffrir d'aucune instrumentalisation", écrit-il en raillant "ces 'orfèvres' en statistiques" impliqués dans la "politique du chiffre" de Nicolas Sarkozy.
Au passage, Manuel Valls confirme sa volonté de réformer l'appareil statistique "pour le rendre totalement transparent", au risque de paraître vouloir utiliser les statistiques au profit de la gauche.
Le 19 septembre, il avait annoncé la mise en place d'un nouvel outil statistique de la mesure de la délinquance s'appuyant sur un tableau d'indicateurs rénovés, pour mettre fin à la "politique du chiffre" voulue par Nicolas Sarkozy.
Mais pour Eric Ciotti, qui est revenu à la charge dans l'hémicycle, les socialistes "sont à ce point embarrassés qu'ils songent à casser le thermomètre sous des prétextes fallacieux".
C'est en lui répondant que le ministre de l'Intérieur a déclenché une tempête sur les bancs de la droite.
Le vice-président du Front national, Florian Philippot, a dénoncé pour sa part "l'impuissance" de Manuel Valls "à rétablir la sécurité dans notre pays".
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