Pour la première fois, une agence de notation a été reconnue responsable, et ce par la justice australienne, des pertes liées à l’effondrement de produits financiers notés "AAA". Un verdict qui pourrait avoir des répercussions internationales.
Les agences de notation commencent a être rattrappées par la justice pour leur rôle dans la crise financière en 2008. La Cour fédérale australienne a condamné, lundi, Standard & Poor's (S&P) pour notation “trompeuse” de produits financiers structurés - comme les fameux subprimes - vendus en 2006 par une banque néerlandaise et une société australienne de services financiers à des villes australiennes.
"La note AAA attribuée par S&P aux titres CPDO (Constant Proportion Debt Obligation) Rembrandt 2006-2 et 2006-3 CPDO était trompeuse" et étayée par des informations en partie "inexactes", a estimé la juge australienne Jayne Jagot, dans un verdict rendu public lundi.
L’agence de notation et les institutions financières impliquées ont été condamnées à rembourser la perte de 16 millions de dollars australiens (12,9 millions d'euros) que les collectivités australiennes ont dû supporter après l’effondrement de ces produits financiers adossés à des actifs toxiques en 2008.
Les CPDO, inventés en 2006 par la banque néerlandaise ABN Amro, ont été des instruments financiers très populaires avant la crise financière. Ils promettaient des retours sur investissements largement supérieurs à d’autres produits financiers bénéficiant également du fameux triple A des agences de notation.
Mais comme la plupart des titres indexés sur des créances qui se sont révélées douteuses, les CPDO - qui représentaient un marché de 4 milliards de dollars en 2007 - se sont effondrés dans le sillage de la crise des subprimes.
Partout dans le monde
Ils ont pourtant été soutenus par les agences de notation jusqu’à quelques mois avant leur chute. C’est cet aveuglement que la justice australienne vient de sanctionner, dans un verdict qui risque d’avoir des répercussions internationales.
Standard & Poor’s sait, elle aussi, qu’il y a plus en jeu dans ce procès que les 12,9 millions d’euros de dommages et intérêts. C’est pourquoi elle a tenu à rappeler durant l’instruction débutée en 2009 que “la notation est un art, pas une science", assurant qu’elle ne pouvait être tenue responsable pour d’éventuelles erreurs. L’agence de notation a en outre affirmé avoir été suffisamment “prudente” dans son évaluation des CPDO "en vertu des informations dont elles disposaient“. Une double ligne de défense rejetée en bloc par la cour australienne.
L’agence a annoncé son intention d’interjeter appel. En attendant, l' IMF Australia, une société qui finance les actions collectives en justice et qui représente les collectivités lésées lors de ce procès, a affirmé qu'elle envisageait de saisir la justice pour les mêmes motifs en Nouvelle-Zélande, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas.
ABN Amro a, en effet, commercialisé les titres Rembrandt un peu partout dans le monde avec des conséquences similaires pour la plupart des investisseurs qui ont cru aux notations de Standard & Poor's. "Nous pensons que les investisseurs, les banques et les autorités de régulation dans le monde entier étudieront ce jugement avec grande attention", a déclaré le directeur d'IMF Australia, John Walker.
Mais Moody’s doit également suivre de très près l’évolution de ce dossier. L’agence de notation est en effet poursuivie depuis 2010 aux États-Unis, aux côtés de S&P, où elle est accusée d'avoir collaboré avec des banques pour que des produits financiers bénéficient d'un triple A, alors qu’il s’agissait de placements adossés sur des crédits "subprime" à haut risque. Le précédent australien pourrait dorénavant peser sur ce procès en cours.