
Condamné pour fraude fiscale le 26 octobre, l’ancien président du Conseil italien a lancé une violente charge contre le gouvernement de Mario Monti ce week-end. Une tentative désespérée d'un Cavaliere plus que jamais isolé.
C’est à y perdre son latin. Après avoir annoncé son retrait de la vie politique le 17 octobre dernier, Il Cavaliere semble vouloir remonter en scelle depuis l’annonce de sa condamnation à quatre ans de prison pour fraude fiscale dans l’affaire Mediaset. À 76 ans, Silvio Berlusconi souhaite se réinstaller dans l’arène politique, quitte à ébranler l’exécutif italien.
"Je me sens obligé de rester dans le champ (politique) pour réformer la planète justice", a déclaré, samedi, le président du Peuple de la liberté (PDL). Désormais, toute l’énergie de Silvio Berlusconi sera consacrée "à combattre la dictature des magistrats" et "la république judicaire".
Ramené au rang de simple délinquant par les magistrats, le Cavaliere, visiblement blessé dans son amour propre, a donc décidé de repartir en guerre contre la justice italienne. "La croisade contre les juges est une véritable obsession depuis 2008, ce qui correspond à l'accélération de ses ennuis judiciaires", rappelle Giampiero Martinotti, correspondant de La Repubblica à Paris, interrogé par FRANCE 24.
Une guerre sainte que Silvio Berlusconi entend mener non pas au poste de président du Conseil - fonction qu'il a occupée à trois reprises depuis 1994 - mais en restant simplement à la tête de son parti. "C'est non seulement juste, c'est un devoir pour qui jouit de la grande estime de millions d'Italiens", s’est auréolé le septuagénaire pourtant abonné à la rubrique faits-divers des journaux italiens, afin que "ce qui m'arrive, n'arrive pas aux citoyens italiens".
Outre ce réquisitoire, Silvio Berlusconi a fourbi ses armes contre l’actuel président du Conseil, Mario Monti. Après avoir accusé le gouvernement Monti de conduire le pays dans "une spirale récessive de l'économie" sous la dictée de la chancelière allemande Angela Merkel, Il Cavaliere a menacé d'"ôter immédiatement la confiance au gouvernement".
"Il n’hésite pas à prendre le pays en otage"
C'"est un homme imprévisible. Il n’hésite pas à prendre le pays en otage pour défendre ses propres intérêts", insiste Giampiero Martinotti. "Il se présente comme une victime politique alors qu’il a été condamné pour fraude dans une affaire qui n’a rien à voir avec la politique".
Une charge d’autant plus surprenante que Silvio Berlusconi n’a, jusqu’à présent, jamais tari d’éloges à l’égard de l'ex-commissaire européen. "Il s'agit de la menace d'un homme braqué, amer, furieux, la réaction infantile d'un homme qui se trouve à la fin de sa vie politique", analyse Franco Pavoncello, professeur de sciences politiques à l'université John Cabot de Rome. Son parti "perdrait toute crédibilité en suivant les soubresauts d'un homme qui attaque un gouvernement qu'il a encensé deux jours plus tôt, juste parce qu'il a été condamné".
Le 17 octobre, en annonçant qu’il renonçait à se présenter au poste de président du Conseil, Silvio Berlusconi avait rendu un hommage appuyé à Mario Monti et à sa "direction réformatrice et libérale claire" malgré le contexte de crise financière.
Plus qu’une réelle volte-face, Il Cavaliere semble davantage vouloir régler ses comptes. "Il essaye de trouver une protection à l’intérieur des institutions. Il a d’ailleurs accusé le président Giorgio Napolitano et Mario Monti de ne pas l’avoir suffisamment protégé. On ne voit pas trop ce qu’ils étaient censés faire puisqu’ils n’ont pas de prise sur la justice qui est totalement indépendante", ironise le journaliste de la Repubblica.
"C’est un homme du passé"
Reste que l’ancien président du Conseil est loin de susciter l’enthousiasme, y compris dans les rangs de son propre parti. Même Angelino Alfano, nommé en juillet 2011 secrétaire du PDL par Berlusconi et donné favori dans les primaires de la mi-décembre, a pris ses distances avec son mentor politique.
Premier parti d’Italie en 2008 avec 38 % des voix aux législatives, le Peuple de la liberté ne recueille plus que 15 à 17 % des intentions de vote pour le scrutin prévu au printemps 2013, victime de l'avalanche de scandales de corruption qui ont entraîné la dissolution des instances régionales du Latium (Rome) et de Lombardie (Milan).
Appelés aux urnes pour des élections régionales, les Siciliens ont infligé un premier revers électoral au parti de Silvio Berlusconi. Le PDL a recueilli 25 % des voix contre 31 % des votes pour la gauche, selon des résultats officiels partiels portant sur la moitié des suffrages exprimés et publiés lundi par la Région.
"Silvio Berlusconi a perdu la main. En prenant en compte son âge et les conditions dans lesquelles il a quitté le gouvernement, il a peu de risque de revenir aux affaires", conclut Giampiero Martinotti. "C’est un homme du passé même si une résurrection est toujours possible en politique".