Yvan Jayne, seul cow-boy français évoluant dans le monde professionnel du rodéo, ne prend pas vraiment au sérieux l’arrivée dans le monde équestre du septuple champion du monde de Formule 1 Michael Schumacher. Entretien.
"Je pense me mettre au rodéo. Mon épouse Corinna, qui a déjà participé à ce genre de compétition pendant plusieurs années, a déjà choisi le cheval. Je suis prêt !", a déclaré l'Allemand Michael Schumacher vendredi 19 octobre au quotidien sportif italien "Gazzetta dello Sport". Le septuple champion du monde de Formule 1 a en effet annoncé sa retraite des circuits à la fin de la saison 2012.
Pour Yvan Jayne, né à Marseille en 1982 et actuellement seul cow-boy français à évoluer dans le monde professionnel du rodéo, cette annonce est un simple "buzz" qui s’essoufflera avec le temps.
FRANCE 24 a rencontré Yvan Jayne, qui est actuellement en vacances en France. Il revient tour à tour sur sa passionnante histoire et sur sa vie mouvementée entre Cheyenne, Cagliari et le Texas dont il est tombé amoureux jeune et où il réside avec sa femme et sa fille. Entretien
Quel regard jetez-vous sur l’annonce de Schumacher de vouloir faire du rodéo ?
Yvan Jayne : Tout d’abord, il faut savoir qu’en Europe, les Schumacher sont dans le monde équestre depuis plusieurs années. Mais dans le cas présent, le mot rodéo est mal utilisé. Les Schumacher font des épreuves classiques de western à savoir des montées à cheval. C’est beaucoup moins dangereux.
Pour autant, je pense que cela va inciter les gens à s’y intéresser. Mais c’est juste un buzz, cela va redescendre avec le temps. Schumacher a de grands fans en Europe et je suis sur qu’ils vont aussi suivre sa carrière équestre. Ça va peut-être inciter les gens à acheter plus de chemises western en France et en Allemagne.
D’où vous vient cet amour du rodéo ?
Y. J. : J’ai été élevé dans le monde du cheval. Ma mère faisait de la voltige équestre. C’est elle qui m’a appris à monter à cheval et à faire de la voltige dans les spectacles de mon père. Six fois par an, on allait sur des rodéos en Italie. Et c’est là que je suis tombé amoureux du rodéo. Et à 15 ans, alors que j’étais au lycée, je suis parti au Texas dans le cadre d’un échange car la culture américaine m’intéressait. Depuis, je n’ai plus quitté les États-Unis.
Comment avez-vous appris à faire du rodéo ?
Y. J. : J’ai fait plusieurs stages de 3 à 4 jours au Texas. J’y ai découvert toutes les disciplines du rodéo : monte de cheval, monte de taureau, épreuves de lasso. Après j’ai fait du rodéo dans des associations de lycéens. J’ai eu tout de suite de très bons résultats. En Terminale, je suis devenu champion du Texas de monte de cheval sauvage à crue, le "bareback", ma spécialité [le "bareback" consiste à rester sur un cheval surexcité durant huit secondes tout en faisant une belle monte, ndlr].
Ensuite, j’ai bénéficié de bourses pour pratiquer le rodéo dans des équipes universitaires à l’image de ce qui se fait pour le football américain ou le basket-ball. Je suis finalement devenu professionnel à 21 ans.
Au quotidien, comment se déroule votre vie ? Etes-vous obligés de travailler en complément du rodéo ?
Y. J. : Après l’université, j’ai été professeur de français puis de technologie dans des lycées auTexas. Cela me permettait de concilier le travail avec le rodéo, car les rodéos se déroulent le week-end et durent les deux mois d’été. Toutefois, j’en manquais pas mal. C’est pour cela que depuis le mois de mai, je fais exclusivement du rodéo. Je vis de ma passion.
Une passion dangereuse, non ?
Y. J. : C’est vrai que le rodéo est assez dangereux. On peut se faire très mal. Les blessures sont fréquentes. J’ai l’habitude d’aller à l’hôpital... En 2008 notamment, lors du rodéo de Waco, j’ai du me faire greffer une vertèbre, j’ai également reçu un coup de sabot dans le visage. Ma dernière blessure en date, c’est une côte cassée en juin dernier. Sur une longue période d’activité, on va se faire mal, c’est sûr.
C’est pour cela qu’il ne faut pas avoir de peur physique. Si c’est le cas, il faut changer de sport. En revanche, moi j’ai une peur mentale. J’ai peur de l’échec, mais j’ai surtout peur de ne pas être là pour ma famille, pour ma petite fille de 3 mois. Il y a des concurrents qui finissent très mal, paralysés par exemple. Moi je suis prêt à me brûler, mais je ne veux pas que ma famille brûle avec moi.
Comment a été perçue votre arrivée, celle d’un Français, dans le monde du rodéo professionnel ?
Y. J. : Il faut la comparer avec celle de Lance Armstrong dans le cyclisme, une discipline assez européenne et française notamment. Un petit Texan qui débarquait dans cet univers et qui dominait tout le monde.
Moi c’est un peu la même chose. En 2008 et 2009, lors de mes meilleures années, je n’ai pas senti de jalousie, mais plutôt des encouragements - surtout du côté des autres concurrents. Ils veulent me voir accéder aux finales des championnats du monde disputées en décembre à Las Vegas. L’association professionnelle aimerait également voir un Européen se qualifier pour ces finales qui regroupent les 15 meilleurs à l’issue de la saison.