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Génération identitaire, entre action choc et coup médiatique

Génération identitaire, groupe d’extrême droite qui a occupé le chantier de la mosquée de Poitiers le 20 octobre, a atteint son but : attirer l'attention de l'opinion publique et celle... du gouvernement qui étudie la dissolution du mouvement.

Génération identitaire a réussi son pari : faire le buzz. Pour lancer officiellement son mouvement, créé il y a seulement un mois, cette branche jeunesse du groupuscule d’extrême droite Bloc identitaire (BI) a déjà une action coup de poing et une vidéo choc à son actif. Génération identitaire a occupé le toit d’une mosquée en construction à Poitiers, samedi 20 octobre, après avoir alerté les médias RMC et BFM-TV, note le blog Droite(s) Extrême(s) tenu par deux journalistes du Monde. Quatre hommes ont été mis en examen par le parquet de Poitiers lundi 21 octobre, et placés sous surveillance judiciaire. Mercredi, le ministre de l'Intérieur Manuel Valls a déclaré que le gouvernement envisageait la dissolution de la formation.

Dans leur vidéo intitulée "déclaration de guerre", visages découverts, filmés en gros plan, des jeunes n’hésitent pas à parler de leurs revendications. "Nous sommes la génération de la fracture ethnique, de la faillite totale du vivre ensemble, du métissage imposé, qui a cessé de croire que Kader pouvait être notre frère, la planète notre village et l’humanité notre famille". Ce clip, véritable crédo du mouvement, a été vu plus de 93 000 fois à ce jour sur la plateforme de partage de vidéos YouTube. Il recueille trois fois plus d’avis positifs ("j’aime") que de négatifs ("j’aime pas"). Sous-titrée en anglais et relayée par des utilisateurs italiens, israéliens et américains, la vidéo devient virale.

Plus de 4 300 sympathisants sur Facebook

Le but de Génération identitaire est donc atteint : se faire connaître. "Depuis Poitiers, notre appel a été entendu !, se targue Génération identitaire dans un communiqué. Exposition médiatique, prise de position des politiques – Marine Le Pen, pourtant en froid avec BI, a soutenu indirectement l’action, en s’insurgeant contre les "réactions d’hystérie de la classe politique" – et buzz sur les réseaux sociaux. "Génération identitaire a reçu 500 messages en deux jours, le Bloc identitaire, près de 3 000 messages", rapporte Fabrice Robert, président de BI, joint par France24.com. La page Facebook compte plus de 4 300 sympathisants.

Pourtant, Bloc identitaire ne fait pas vraiment recette en termes d’adhérents. Son responsable, Fabrice Robert, revendique 2 000 militants, des antennes à Paris, Nice, Cannes, Lyon, Bordeaux, mais également "en Bretagne, en Provence, en Aquitaine, dans le Centre, et en Alsace". Quant à Génération identitaire, le mouvement est trop récent pour compter le nombre de militants, justifie Fabrice Robert. L’étendue de l’influence de BI "est très difficile à dire", explique l’historien Nicolas Lebourg dans le JDD. "Il y a un côté virtuel. À Poitiers, ils étaient 90 et ont dû emmener des gens de toute la France, ce qui prouve qu'ils ont une très grande faiblesse numérique. C'est moins florissant que ce qu'ils disent".

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Parmi les dizaines de militants présents sur le toit de la mosquée en construction, très peu venaient effectivement de Poitiers, notent les journalistes du blog "Droite(s) Extrême(s)". Le Bloc "n'a toujours pas de stratégie claire", ajoutent-ils. Génération identitaire "hésite pèle-mêle entre travail "métapolitique" (…), activisme de rue et/ou participation aux élections. Il doit donc refaire parler de lui pour continuer à exister", conclut-il.

Être une "marque"

Malgré ses velléités à se constituer en parti politique en 2009, le Bloc n’a pas engrangé de succès électoraux. À défaut, il s’est allié avec le maire d’Orange Jacques Bompard (ex-Front national) dans une "Ligue du Sud", et avec Jacques Cordonnier dans "Alsace d’Abord". Le mouvement BI n’a pas présenté de candidat à l’élection présidentielle de 2012. Qu’importe, revendique Fabrice Robert, "nous ne sommes pas dans une démarche électoraliste comme le Front national, nous n’excluons pas d’être aux élections, mais nous tablons sur la vie militante avant et après les élections".

Le but assumé est de servir d’"agitprop" (diffuseur d'idées), d’organiser des "actions choc", d’être une "marque" pour "servir le débat". Bloc identitaire s’est déjà fait remarquer en organisant des "apéros saucisson et pinard", aux relents racistes. En juin 2010, la préfecture de Paris avait interdit un tel rassemblement prévu à la Goutte d’Or, traditionnel quartier d'immigration dans le nord de la capitale.

Après son action à Poitiers, Génération identitaire craint-il d'être dissous, comme l’envisage actuellement le gouvernement ? "Quel honneur !" réplique le mouvement sur Twitter. "Ca ne servira à rien, c’est maintenant une marque", revendique Fabrice Robert. "Autant Unité radicale [dissous en 2002, et dont provient le BI, ndlr] était un groupuscule d’extrême droite radical, autant le Bloc a voulu créer une révolution identitaire. Nous avons imposé le mot "identitaire" dans le champ sémantique de la politique. Nos thématiques sont reprises par Jean-François Copé", s’enorgueillit-il.

Avec la création de Génération identitaire, le Bloc cherche à se renouveler en draguant la jeunesse. "Nous avons un fort potentiel parmi les 15-25 ans", estime Fabrice Robert. Le mouvement voudrait-il plus concrètement attirer à lui les nombreux jeunes électeurs qui ont voté à 23 % pour Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle ? "Nous avions déjà créé Jeunesse identitaire auparavant, cela fait dix ans que nous travaillons sur ce créneau", rétorque le président de BI. Mais la cible est bien là. D’autant que le Front national de la jeunesse (FNJ) est moins remuant qu’il y a une quinzaine d’années. L’activisme de Génération identitaire peut avoir un petit succès d’estime dans la nouvelle jeunesse d’extrême-droite.