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Antoine Sollacaro, l'un des plus brillants avocats de Corse et proche, un temps, des milieux nationalistes, a été abattu mardi à Ajaccio. Il avait assuré la défense d'Yvan Colonna, condamné à perpétuité en juin pour l'assassinat du préfet Erignac.

L'un des avocats corses les plus connus, Antoine Sollacaro, ancien défenseur d'Yvan Colonna et de l'ex-dirigeant nationaliste Alain Orsoni, a été tué par balles mardi à Ajaccio, portant à 15 le nombre d'homicides cette année en Corse où les autorités dénoncent "une escalade criminelle".

L'avocat, âgé de 63 ans, a été pris pour cible alors qu'il se trouvait à bord de sa voiture, vers 09H05, dans une station-service du centre d'Ajaccio, sur la route des Sanguinaires.

Selon les premières constatations, Me Sollacaro a été victime de "neuf tirs, dont six à la tête, au thorax et au bras", a indiqué le procureur d'Ajaccio, Xavier Bonhomme. Une dizaine de douilles de projectiles de gros calibre de type 11,43, tirés à l'arme de poing, notamment dans la tête, par un tueur casqué et monté sur une moto pilotée par un complice, ont été trouvées sur place. Une autopsie doit être pratiquée mercredi.

M. Bonhomme a souligné mardi soir qu'aucune piste n'était privilégiée à ce stade par les enquêteurs. "Les éléments en notre possession ne permettent pas de déterminer les raisons qui ont poussé des individus à commettre cet acte qui trouble de manière exceptionnelle l'ordre public", a-t-il déclaré lors d'un bref point de presse.

Né le 30 janvier 1949 à Propriano (Corse-du-Sud), Me Sollacaro, l'un des plus brillants pénalistes de Corse, était le père de deux enfants, dont un garçon avocat à Nice et une fille qui devait passer cette semaine des examens pour devenir également avocate. Il avait exercé la fonction de bâtonnier d'Ajaccio de 1998 à 1999.

"On se demande bien pourquoi il y a tant de policiers en Corse", a lâché, sur place, effondrée, son épouse, tandis que les autorités de l'île exhortaient l'Etat à agir.

Cet assassinat a provoqué une onde de choc en Corse. Me Sollacaro est le premier avocat assassiné depuis la mort de Me Jean Grimaldi, tué par balles le 6 novembre 1991 à Bastia. Selon le Conseil national des barreaux, il s'agit même d'une première en France depuis au moins vingt ans, avec un cas à Cannes (Alpes-Maritimes) la même année.

Toutes les audiences ont été suspendues et des réunions organisées mardi dans les palais de justice de Bastia et d'Ajaccio.

Un palier franchi

Ce décès par balles est le quinzième dans l'île depuis janvier et le deuxième mardi, après celui d'un ancien militant nationaliste, Jean-Dominique Allegrini-Simonetti, 50 ans, dont le cadavre a été découvert mardi matin dans sa voiture près d'un village de Balagne (Haute-Corse).

"C'est incontestablement une escalade (...). Il va bien falloir que l'Etat agisse pour enrayer cela", a déclaré le président communiste de l'Assemblée de Corse, Dominique Bucchini, sur les lieux de l'assassinat.

"Quand un avocat est victime d'une agression, c'est la justice toute entière qui est touchée", a réagi la garde des Sceaux, Christiane Taubira.

Me Patrick Maisonneuve, qui a également défendu Ivan Colonna, s'est dit "abasourdi" par cet assassinat, estimant qu'un "palier (avait) été franchi" avec le meurtre d'un avocat.

Proche des milieux nationalistes, Me Sollacaro avait assuré jusqu'en 2011 la défense d'Yvan Colonna, condamné à la prison à perpétuité pour l'assassinat, en 1998, du préfet de Corse Claude Erignac.

"Pour nous, il n'y a aucun lien avec l'affaire d'Yvan", a déclaré à l'AFP son père, Jean-Hugues Colonna. Me Sollacaro défendait aussi l'ancien dirigeant nationaliste Alain Orsoni et son fils Guy, parmi d'autres clients dans des affaires relevant de la juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Marseille, chargée notamment du grand banditisme corse. C'est la Jirs qui a été saisie du dossier de son assassinat.

Les enquêteurs étudient notamment un lien éventuel avec une vaste affaire de fraude aux marchés publics impliquant une société de sécurité, la SMS, dont plusieurs fondateurs, comme Antoine Nivaggioni, que Me Sollacaro avait défendu, et Yves Manunta, ont été assassinés à Ajaccio.

Un conflit d'ordre privé n'est toutefois pas exclu, Me Sollacaro ayant depuis peu diversifié ses activités dans l'immobilier dans la région très convoitée de Porto-Vecchio (Corse-du-Sud).

(AFP)